vendredi 28 mai 2010

Léa veut être chef de comptoir.

Je suis une bonne gagneuse… je connais mon boulot et je suis attentive aux problèmes des autres filles. En fait, alors qu’Isa et Big-boss sont enfermés derrière avec les cartons, le bordel (et ils s’accordent le droit de fumer, les salauds…) à pouvoir jurer comme des charretiers ou rire aux éclats, je suis (avec les autres abeilles de la ruche), la garante de la classe de l’agence. Avec le déco zen et les bureaux paperless, jamais un mot plus haut que l’autre et le sourire commercial accroché à mon doux visage… à materner mes clones...

Je suis polyvalente. Je répète : po-ly-va-lente. Je ne suis pas seulement blonde, sympa, enjouée et rigolote… je sais faire du café et sourire naturellement aux cons, mais aussi écouter les clients inquiets et les rassurer, les comprendre et leur proposer le bon voyage… j’ai toujours une oreille qui traine pour orienter, aider, conseiller mes collègues dans le besoin et dénouer les embrouilles… Oui : je le revendique : je suis une perle ! C’est pour ces nombreuses qualités, (et parce que je supporte Big-boss, que je l’aime bien et qu’il sait que je suis une fille fiable ; et aussi parce que je suis la chouchoute d’Isa) que je revendique le titre de chef de comptoir.

Big-boss n’est pas souvent à l’agence, Isa n’a pas parlé à un client indiv’ depuis genre dix ans. Alors pourquoi je devrais assumer la cohésion de l’équipe sans avoir ce titre de chef de comptoir ?

Bien entendu, les (quelques) lecteurs de ce blog sont des pro’ et savent ce que c’est que d’être « chef de comptoir ». Ce terme me fait vomir. En gros, dans les agences, c’est la meuf qui assure et qui materne, celle qu’on appelle au secours (combien de fois ai-je entendu « je vais voir ça avec ma responsable » ? alors, Isa répond invariablement « ben j’sais pas, comment tu le sens ? ». Isa devrait être celle qui joue le rôle du fusible avec les clients (passer la patate chaude à une collègue, voire à une rrrresponsable, c’est une bonne façon de désamorcer une embrouille)… alors en fait, de façon assez inconsciente, on appelle Isa (dés fois qu’elle ait une idée géniale, mais non...), on réfléchit chacune dans notre tête au plan B (ou les filles viennent m’en parler), on l’applique (le plan B) et on se débrouille. Bon. Les pires, on me les passe, parce que je donne l’impression d’être gentille mais efficace. Mais ce qui m’énerve, c’est que je joue le rôle de la chef de comptoir, que je suis légitime dans ce rôle, mais que je n’ai pas le titre même si je gagne 120 à 200 € de plus que les autres filles. Mais plutôt que de nous lamenter sur mon sort, analysons la sémantique de ce titre délicieux : Chef de comptoir. Selon le dico, ça donne :

> chef
(nom masculin)
Tête.
Celui qui est à la tête, qui commande.
> comptoir
(nom masculin)
Table sur laquelle le marchand étale ses marchandises et reçoit ses fonds.

Cette définition me déprime. En fait, mon ambition, c’est d’être « la meuf qui commande la table sur laquelle les trois autres nanas et le beau gosse de l’agence étalent les brochures, vendent du rêve, et tripotent le cash ». On fait pas un métier facile… En fait, je voudrais être une espèce de caissière-en-chef, un peu comme la nana du Shopi que les caissières appellent quand la caisse débloque. Elles attrapent une espèce de micro, crachotent et demandent : « une responsable est demandée en caisse pour une annul’, une responsable, merci ». Là, y’a toujours une grosse en blouse qui arrive en se dandinant et en arborant fièrement un jeu de clés qu’elle va secouer d’un air conquérant. Elle pousse la caissière, tourne la clé, appuie sur deux boutons, prend un air satisfait et se barre. N’empêche que c’est la reine de la ruche. Bicauze, elle a la clé. Respect ! Voilà. Quand je serai grande (le 1er juillet, j’aurais 6 ans de boite), je veux que quand les filles disent « je vais voir avec ma responsable », qu'elles se tournent vers moi et demandent « Léa, s’t’ plait, tu peux m’aider ? »… alors, j’arrêterais de bosser sur le dossier qui m’accapare, je me lèverais, prendrais un air très disponible et trouverais la solution. Et là, la reine de la ruche, ça serait moi.

1 commentaire:

  1. De mieux en mieux, Léa ! La longueur, le rythme, la chute (très important la chute) et l'humour décapant en prime. Je comprends qu'à la rédac du QdT, tu les intrigues. Mais tu as raison, laisse-les faire des paris et ne te démasque pas trop vite ;)

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