jeudi 6 décembre 2012

Léa s'en va-t-en-guerre (et va encore se faire des amis...)


A ma gauche,  « le sumo énervé ». Une espèce de grosse baudruche, autrefois solide, qui se vide mais qui lutte pour sa survie. Gants rouges. Casque enfoncé. Le tour-operator.

A ma droite, « le roquet opiniâtre ». Une teigne. Prêt à tout pour ne pas mourir. Gants bleus. Regard mauvais. L’agence de voyages.


Le combat de boxe a commencé il y a des années. Le rapport de force est terrible. A côté, la bataille Fillion-Copé, c’est une petite discussion de tapettes cour de récréation.

Je vais te dire ce que j’en pense. Bien sûr, je suis de mauvaise foi juge et partie dans ce match puisque je suis agent de voyages. Alors je ne serai pas objective. Je ne l’ai jamais été.

Par définition, le tour-operator est grand et l’agence de voyages est petite. Comme ça, la messe est dite. C’est le combat entre le pot de terre et le pot de fer, alors la petite agence va perdre. Le TO s’affranchit d’un intermédiaire et commercialise en direct. Vive la désintermédiation ! Les pure-players internet, les CE, les Groupon et compagnie. Les sites internet apportent de la visibilité aux produits des TO, les CE assurent une diffusion régulière en particulier en basse-saison, quand les remplissages des charters et des hôtels ne peuvent pas se faire au prix fort.

Pendant des années, les agences de voyages courbaient l’échine, râlaient pour la forme tout en sachant que le rapport de force ne leur était pas favorable. Et puis un jour, elles se rebellent.
En fait, je crois que les TO ont signé leur arrêt de mort lorsqu’ils ont décidé de lancer leurs agences-enseignes. Certes, je comprends qu’ils veuillent ainsi s’assurer qu’une partie de leur offre sera assurée d’être revendue par les agences « maison ».



Au jeu du « c’est pas qui ai commencé », reconnaissons que FRAM a décidé de lancer son réseau d’agences au moment où Thomas Cook lançait ses TO. Il s’agissait alors pour FRAM de s’assurer d’écouler une partie de son offre alors que son distributeur numéro 1 lançait sa production maison.

Du coup, quand tu es une agence de voyages et que ton fournisseur n°1 ouvre une agence enseigne en face de ta boutique, qu’est-ce que tu fais ? Tu pousses un autre prestataire… et c’est là que les ennuis commencent.

La crise, c’est une crise de confiance. On s’envoie des noms d’oiseaux.
Chacune des deux parties trouve subitement tous les défauts de la terre à l’autre. « Quand tu veux tuer ton chien, tu l’accuses d’avoir la rage » disait ma grand-mère.

« Les TO sont lents à répondre. C’est pour ça qu’on les bypass. 
- c’est parce qu’on est saturés d’appels de questions débiles d’agences. » 
1-1. Le gong retentit. On essaie de trouver autre chose.

C’est le TO qui va relancer le combat : 
« Les agences nous coûtent cher en commissions, en fonds marketing dont on ne sait comment ils sont utilisés et en coûts de fonctionnement des centrales de paiement.
- ça coûte bien moins cher que d’entretenir un réseau de distribution en propre ou d’acheter un référencement auprès des CE. » 
2-2. Les deux parties sont groggys et on ne peut même pas compter sur un arbitre pour les départager.


Pendant ce temps-là, tous les adversaires des TO et des agences « classiques » se frottent les mains. Pendant que les TO et les agences se mettent des coups, Google réfléchit à son portail « travel », les agences de comm rédigent de faux avis sur trip advisor (qu’elles facturent à prix d’or), Groupon et consorts se frottent les mains de pouvoir négocier des « deals », hotel.com et booking mettent sur la paille les petits hôteliers.

Et nous, agences et TO, on meurt.

Les TO détournent les clients que leur ont apporté les agences et vendent en direct ou appliquent des tarifs différents selon les canaux de distribution. Les agences s’affranchissent des TO pour produire en direct avec les compagnies low-cost autrefois abhorrées, les réceptifs (qui ne demandent pas mieux) ou les centrales de réservation hôtelières.     
On va juste réussir à s’entre-tuer.

Je m’étais dit que je n’allais pas citer les gens qui se font de la pub’ en parlant au nom d’une corporation. Mais je n’y arrive pas. Les deux premiers à s’exprimer publiquement sont connus pour être les deux plus modestes de la profession : Richard, vous ne pouvez pas insulter les TO qui vous permettent de vivre grâce à leurs sur-com’. Jean-François, vous ne travaillez pas pour un vrai TO puisque vous ne vendez qu’en direct.

Et les autres ?

Bruno, on ne sait pas ce que vous êtes devenu depuis 3 ans et franchement, même si vos produits étaient (souvent) d’un bon rapport qualité/prix, on vous a oublié un mois après votre faillite. Alors, ça rime à quoi de tenter de revenir sur le devant de la scène ? 

Adriana, parler pour dire « vous avez tout faux et moi j’ai tout compris », ça ne sert à rien. Ça n’est pas comme ça que votre espèce de réseau va atteindre sa taille critique. Mais je vous aime bien quand même…

Je préfère largement mon petit Big-Boss à moi. Un petit commerçant discret qui sait mener sa barque avec son équipe de guerrières compétentes et motivées… Chez Big-Boss Voyages, on est versatiles, agiles, dynamiques et créatifs.

On utilise les TO quand ils affrètent ou qu’ils apportent une véritable valeur ajoutée. Ils ne représentent que 30% de notre volume tourisme. Le reste, on le construit nous-même, comme des grandes filles, et on arrive ainsi à se différencier. Se différencier pour que notre client n’aille pas négocier la même chose en face pour 5% de réduc, c’est le plus important.

Big-Boss Voyages communique sur sa marque et uniquement sur sa marque. Dans le cas où on achète un package à un TO, on ne met pas sa marque en valeur. Le voyage, il a été créé/monté/étudié/conseillé/ vendu par Big-Boss Voyages et uniquement par nous.

Que les clients de Big-Boss Voyages achètent un vrai sur-mesure, un programme à la carte choisi dans un menu de qualité ou une formule packagée qu‘on réserve en 3 clics, c’est pareil. Le client trouve chez nous accueil, écoute, conseil, suivi et disponibilité. Le client de Big-Boss Voyages trouve chez nous de la personnalisation.

Qui aujourd’hui peut se targuer d’être essentiel ? Dans la chaîne du voyage, personne. Mais celui qui a la confiance de son client a encore un train d’avance. C’est quand même plus facile quand on a une jolie boutique avec des vendeuses qui ont « 8 ans de maison » que quand on est une marque internet gérée par un fonds de pension basé à l’étranger. C’est pour ça que Big-Boss Voyages va terminer 2012 avec une croissance de 12% et que je suis confiante en la réussite de l’agence tout au long de 2013. 

Vu la situation du marché, on va quand même avoir besoin d'adrénaline pour s’arracher pour chaque vente… mais le combat n’est pas terminé. Ça n’est pas demain que je rendrai les armes. 

jeudi 8 novembre 2012

Léa n'aime carrément pas l'automne


Je vais te dire un truc : s’il y a une saison que je n’aime pas, c’est bien l’automne.

Je trouve que l’été est la saison la plus sympa. Chaque week-end est rythmé par de nouveaux départs et de nouveaux retours ; c’est une vaste transhumance. Du coup, tout n’est que prétexte à longs apéritifs et dîners en terrasses, échanges d’impressions sur les endroits où l’on a passé nos vacances, forcément « magiques » et « délicieuses », où chacun a vécu « une vraie expérience, tu vois ». Tout le monde est beau, bronzé, en forme et détendu. Les garçons remontent les manches de leurs chemises et dévoilent des avant-bras puissants et bronzés. Tu te dis que la vie est belle.

Et puis septembre arrive. Les soirées sont encore belles. On fait semblant de croire que l‘été ne va pas se terminer et on se laisse aller à fredonner du Jo Dassin. Quand j’étais petite fille, j’aimais bien reprendre l’école, retrouver les copines et « apprendre de nouvelles choses ». 

Maintenant, c’est Top Resa qui sonne le renouveau de l’année. Et j’aime bien…

Mais inexorablement, arrive l’automne. Chaque matin, tu te dis que le froid pique un peu plus. Tu te couvres. Un jour, écervelée et confiante en la vie, comme il y a un semblant de redoux, tu relâches un peu la pression et tu t’habilles un peu plus légèrement. Et là, c’est le drame : sournois, le mal arrive et s’agrippe à toi. Tu chopes ce que ma grand-mère appelle un « coup de froid ». Tu n’es que remugles et crachats pendant deux semaines. Tu as l’impression que ta tête va exploser, tu as froid aux pieds alors que tu as pris soin de glisser dans tes bottes une petite semelle en peau de mouton.

D’ailleurs, c’est la seule bonne nouvelle de l’automne : on peut ressortir ses bottes, voire en acheter une nouvelle paire, ou plusieurs… 
(note aux lecteurs : jamais je ne pourrai sortir de l’anonymat : je ne pourrai pas assumer t’avoir dit que je porte des semelles en peau de mouton)

Le coup de grâce arrive, mauvais, le dernier week-end du mois d’octobre : le changement d’heure. Depuis plusieurs semaines, tu remarquais que même en sortant de l’agence à l’heure, il faisait bien sombre. Mais au moment du changement d’heure, il fait nuit noire bien avant que l’heure de partir n’arrive. Le choc.

Et cette petite fièvre qui ne passe pas…  et la goutte au nez qui n’en finit pas de couler…
Au bout de quinze jours, je suis allée faire écouter ma toux à mon médecin-traitant. « ça m’est tombé sur les bronches, docteur (...) et puis par dessus le marché, je suis crevée, démoralisée, ramollie, comme chaque année au mois de novembre, en fait ». Doc m’a répondu que j’étais normale : je souffrirais de « dépression saisonnière »



Je t’explique : la science ne comprend pas bien comment le truc marche mais si on est nombreux à avoir ce petit coup de mou en automne, ça serait à cause du manque de lumière : il entraînerait une variation de la production de la mélatonine et de l’activité reliée à la sérotonime. Si tu veux en savoir davantage, file sur le web et cherche des articles de vulgarisation scientifique. Ça ne rentre pas dans la ligné édito de mon blog mais tu vas te rendre compte que non, tu n’es pas la seule à devenir toute moisie en cette saison… 

Cet automne, ce qui est pire que tout pour moi, c’est que Coralie est en congé mat’ et que du coup, je n’ai pas eu un week-end tranquille depuis deux mois : bosser 6 jours par semaine depuis la rentrée, c’est bien gentil mais là, mon corps crie « au secours ! ». La perspective d’être en vacances-récup tout le mois de mars n’est pas suffisante pour me maintenir la tête hors de l‘eau.

Mardi dernier (enfin, mardi en 8, mais dans l'autre sens...), je rentrais chez moi en pédalant comme une folle après une longue journée à l’agence. Il était genre 21h. J’étais survoltée à cause de cette salope de Sandy (celle qui nous empêche de vendre NYC aux vacances de la Toussaint avec sérénité). Mon Vélib a glissé sur un tas de feuilles mortes et je me suis étalée de tout mon long. Outre que c’est humiliant à souhait, ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase : je suis rentrée chez moi en boitillant, j’ai appelé Big-Boss en larmes pour lui dire que j’étais au bout du rouleau et que je ne viendrai pas le lendemain. Je suis restée au fond de mon lit toute la journée. 

Au programme, citron chaud, masques hydratants et bain moussant. Histoire de reprendre des forces. C’est comme ça que je me suis retrouvée jeudi (jour férié) tout l’après-midi à l’agence à faire ce que je n’avais pas fait la veille.

Bon, je te raconte ma life mais il se passe des trucs plus graves dans notre environnement professionnel. C’est l’automne, certes… mais selon l‘avis de certains, on en arriverait à l’automne de notre vie. Et encore, apprécie que je n’aie pas surfé sur la métaphore du jour des morts. 

Revue de bonnes nouvelles : les TO s’attendent à une baisse de leur chiffre cet hiver de 8 à 10% et Saint Georges (pas celui qui a tué le dragon d’un coup d’épée : notre père à tous, celui du SNAV…) a déclaré il y a 15 jours que la profession avait encore tué 1000 emplois cette année. Le SNAV a aussi publié une étude qui dit que la profession est passée de 33 236 salariés en 2007 à 27 464 en 2010. Ça fait quand même 17% des effectifs.

Où ai-je rangé ma corde ?

Pour s’en sortir, quelles sont les solutions ? Nombreux sont ceux qui semblent se dire que la consolidation/concentration est la bonne solution. Mouais… j’ai déjà écrit ici que je ne voyais pas l’intérêt des fusions. Je te donne quelques exemples. Je ne mets pas toutes ces fusions dans le même panier mais dans chacune d’elles, j’entends comme un truc genre « au secours ». 

On a vu la fusion Go-Opodo-E Dreams. 3 technologies différentes à la base, mais les 3 marques vont se mettre à la technologie e-dreams, très aboutie pour « chercher » mais qui, à force de forcer et bidouiller, arrive à trouver des catastrophes. L’effet volume est là. Les compagnies tremblent mais la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a. Et les compagnies n’ont de toute façon plus un centime pour payer des rétro-com’. Bravofly vient de racheter Rumbo. Quand tout le monde aura racheté tout le monde et que plus personne ne pourra grossir, on sera arrivé à une espèce de monopole. Mais bon, c’est pas sur le vol sec qu’on va essayer de gagner de l’argent. 

Il y a eu NF-TUI-Aventuria-Tourinter-Marmara-Havas-Carlson. Cette fusion est la preuve que dans le cas de fusions-acquisitions, 1+1+1 ne fait jamais 3 et encore moins 4. Je m’explique : une fois les différentes entreprises regroupées, harmonisées puis réunies, que se passe-t-il ? On coupe ! 

Le meilleur exemple, c’est que NF abandonne les clubs pour laisser la place à Marmara. Où est l’effet de masse dans ce cas ? Les clients qui achetaient du Paladien vont-ils tous acheter du Club Marmara à la place ? je suis sure que les clubs de FRAM et autres Lookea récupèreront une partie du marché. Ça, c’était l’exemple de la production. Et pour la partie distribution ? 

Depuis que les Carlson sont devenues Havas, on trouve 2 points de vente concurrents dans le même quartier dans bien des villes de France. Le consommateur ne comprend plus rien ? Pas grave, on s’en fout, on occupe le marché ! mais bon… au bout d’un moment, quand 2 points de vente de la même marques cohabitent à 100 mètres l’un de l’autre, il y en a toujours un qui ferme. 

L’acquisition que je trouve la plus pertinente, c’est celle de Marietton qui tisse sa toile dans tout le quart sud-est de la France. Excusez-moi du peu mais la holding a désormais 83 agences, des charters au départ de Lyon et Marseille (et même de l’aéroport de Saint Etienne)

Tiens, à propos… je tiens à partager avec toi cette information de toute première importance : le code de l’aéroport de Saint Etienne, c’est EBU. Certes, comme tout le monde, tu t’en fous mais connaître le code de l’aéroport de Saint Etienne va te permettre d’avoir un regard neuf sur cette ville. Que sait-on de Saint Etienne ? (à part qu’un jour, elle a eu une équipe de foot). Ben rien. Essaie de dire quelques chose d’intelligent sur Saint Etienne. Voilà. Tu es creux ! 

En tout cas, les produits packagés d’Ailleurs et Voyamar vont pouvoir bénéficier de la force de vente de toutes agences du groupe, aux couleurs variées de Selectour, AFAT ou Carrefour. Des agences qui vont bien entendu avoir des directives de vente précises : il faut bien écouler les sièges et les chambres à risque du groupe. C’est le chiffre de FRAM et de LOOK qui va baisser !

FRAM et Look qui vont du coup avoir besoin de « sécuriser leur distribution » en rachetant des points de vente un peu partout.  La bonne nouvelle, c’est que si les mouvements de concentration continuent, on va finir par ne plus voir exactement la même chose dans chaque agence… 

Mais comme il n’y a plus de client, personne ne va s’en émouvoir.




mardi 23 octobre 2012

On est tous en train de crever... et personne n’y peut rien !


Je ne suis pas voyante, mais au mois de juin (il y a quatre mois, donc un siècle…), j’avais titré « ça sent le sapin ». Là, à l’orée de l’automne, je dirais même davantage « ça sent tellement fort le sapin que ça m’en donne mal au crâne »

Les odeurs de mort et de sapin m’entêtent. J’avais commencé à faire une liste des ces TO en sursis moribonds, de ces compagnies aériennes fragiles, ces distributeurs qui ne tenaient qu’à un fil et qui ont vu le fil se rompre. Mais depuis dix jours que je veux écrire cette chronique, je n’arrête pas de compléter, raturer, ajouter des prestataires qui sont en train d‘agonir.

Et tout est lié. Depuis cette exposition de prix barrés, de promesses de « vol à 1 € », d’enfants gratuits, de taux de réduction faramineux… plus aucun client n’a de repère prix.

On ne voit partout que promotions, prix barrés, soldes, bonnes affaires et offres magiques. La récente chronique de François Weill dans TourMaG m’a interpelée : discounter la croisière reviendrait à dégrader le produit. Elémentaire, non ? Cette « nouvelle clientèle » avide de prix n’a pas les moyens de payer des extra, se présente à la soirée du commandant en survet' dégueu tenue de sport, et du coup, la clientèle « historique » des croisiéristes part voir ailleurs.

Merci d’avoir ouvert un œil. Ça se passe comme ça dans le secteur de l’hôtellerie depuis des années. Quand je vois des hôtels 5* se lancer dans des promotions folles et faire du all inclusive, ça me fait mal. Surtout quand ces offres sont distribuées sur des sites web de déstockage (vous voulez des noms ?) et que n’importe qui peut acheter n’importe quoi en trois clics. J’évoquais ce douloureux problème la semaine dernière.  

On est tous en train de crever, et personne n’y peut rien. Et chaque prestataire qui faille entraîne dans sa chute ses clients et fournisseurs. Dans un monde où tout le monde travaille avec tout le monde, la mort de quelqu’un te rapproche inexorablement de la tienne. Tu sens le souffle rauque de la faucheuse sur ta nuque ? Méfie-toi, elle se rapproche.


Allez, je me lance dans un petit inventaire à la Prévert : 

Lufthansa, l’ex compagnie aérienne modèle d’Europe transfère son activité moyen-courrier à sa filiale à bas coûts Germanwings. Seules les liaisons au départ de Francfort, Munich et Berlin restent opérées par Lufthansa. Les liaisons point à point depuis les villes moyennes allemandes passent chez Germanwings.  Casse sociale en perspective. Pour les PN, c’est tout de suite « travailler plus pour gagner moins »  

Hello, compagnie charter suisse a déposé son bilan cette semaine en raison « de l’incapacité de paiement de deux gros clients français ». Euh… on peut avoir des noms s’il vous plait ? Histoire de ne pas payer les TO en question tant que nos clients ne sont pas partis / revenus ? 

Je vous rappelle la situation en Espagne ? Malgré la faillite de Spanair cet hiver, Air Europa baisse ses capacités et rend des avions. Et Easyjet, l’ex star du ciel espagnole ferme sa base de Madrid et tous ses vols intérieurs en Espagne continentale. Circulez, y’a (presque) plus rien à voir.

Tiens… tant qu’on y est avec l’Espagne et les compagnies aériennes, on parle de Travelplan ? Les filiales française et italienne ferment. Là. Maintenant. Au 31 octobre. Comme ça. Propre. Plus rien. Il nous reste qui comme TO spécialiste de l’Espagne à la carte ? Personne.

On peut parler de FRAM ? Selon Marie-Christine Chaubet, il faut 30 millions tout de suite pour sauver l’ancien fleuron du tour-operating indépendant français et 30 autres millions très vite pour relancer la vieille machine grippée. Georges Colson ne dit rien, comme ça il ne peut pas dire (comme d’hab) le contraire de ce que dit sa demi-sœur. Et NF (allégée de 30% de son personnel parti voir ailleurs si il y avait davantage de travail) sans ses clubs, c’est toujours NF ? 

On parle de Thomas Cook ? Non, pas Thomas Cook, on n’a pas le droit. Thomas Cook est cotée en bourse alors si j’annonce de mauvaises nouvelles à son propos, le cours va baisser et ça va être de ma faute. N’empêche qu’un gentil banquier a offert à la vieille dame british une ligne de crédit. Qui l’a requinquée.

Comme STI. Jusqu’à quand ?

Et Kuoni ? Vous vous souvenez qu’il y a un an, le TO suisse rachetait le TO belge Best Tours pour la modique somme de 700 000 € ? (soit la bagatelle de 130 000 mojitos). Pile un an après, la marque Best Tours est abandonnée. Adieu 700 000 €, production et équipe commerciales, seaux de mojitos et ambitions de développement. De toute façon, Kuoni se retire de 4 marchés européens. Fin.

Je ne m’étendrai pas  sur la faillite de la petite agence de quartier. Ça me donne envie de pleurer à chaque fois et l’exemple est duplicable à l’infini. Je souhaite tout de même revenir sur ce qu’il convient d’appeler un « mini réseau ». Mini ? Laissez-moi rire (ou plutôt pleurer). C’est jusqu’à combien « mini » ? 

Alpilles Voyages, la bagatelle de 30 points de vente et 57 salariés, SOIT près de 1% des points de ventes agences de voyages de France a été liquidée la semaine dernière. Un coup de javel pour nettoyer par le vide ce qui sentait encore la lavande il y a quelques jours et d’ici trois mois, tout le monde aura oublié Alpilles Voyages. Tu ne me crois pas ? Tu te souviens de Wasteels ? Tout le monde a oublié Wasteels.

Et les stars du sur-mesure ne vont pas bien. VDM (dont les communiqués brillent d’habitude) annonce la fermeture de son agence de Caen et la déprogrammation de l’ouverture de celle d’Orléans. « en 2013, on va faire le dos rond » déclare Jean-François Rial. Ben tiens ! en ce moment, qui pourrait fanfaronner ?

Tout le mois de novembre, les conventions des réseaux d’agences de voyages vont se succéder. Tout le monde va faire semblant de bien travailler. Jusqu’à quand ?
On est fragiles. Tous. Il ne manquerait plus qu’un drame de plus pour qu’encore nombre d’entre nous tombe comme au temps des famines ou des grandes épidémies.

Que nous réserve l’hiver ? Une révolution, une épidémie, une catastrophe naturelle ? Les pilotes d’Air France (et une certaine catégorie de personnel de la SNCF) vont tenter d’accélérer les choses en nous lançant une petite grève bien moisie au départ des vacances scolaires de la Toussaint. Ça devrait bien en fragiliser quelques dizaines de plus…

Et pendant ce temps là, nos « anciens clients » réservent sur Groupon ou sur Expedia. Et nous ? On ressort nos petites robes noires sobres et classiques et on cherche comment attacher une mantille. Je suis désolée de ne pas vous faire rire aujourd’hui, mais je n’ai pas le cœur à ça. 

vendredi 12 octobre 2012

Léa va te piquer ta clientèle friquée


Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais en ce moment, on ne parle que de voyages au rabais, de bons plans, d’offres discount, de promo et de bonnes affaires. Et ben franchement, quitte à passer pour une râleuse, ça me saoule. N’importe qui achète n’importe quoi, et surtout, le revend à n’importe qui à n’importe quel prix !

Il faut trouver le client où il est. On est d’accord. Mais pas à n’importe quel prix.

Il y avait un temps heureux où les gens qui voulaient partir en vacances allaient dans une agence de voyages. Qu’elle soit dans la rue, sur le web ou dans un centre commercial, c’était simple : elle venait. Maintenant, il faut savoir la provoquer, la chercher avec les dents l’interpeller.  

Parce que désormais, les gens achètent leurs voyages n'importe où : dans leur CE, chez leur assureur ou leur banquier, sur des sites web de ventes plus ou moins privées, via des comparateurs, dans des journaux ou sur des plates-formes de réceptifs bizzaroïdes. Bref, les clients s’engagent auprès de quelqu’un qui ne sait pas de quoi il parle, mais qui leur promet un « bon plan ». 

Demain, ils achèteront sur Facebook ou avec leur téléphone portable en flashant des QR codes. Ben franchement… je me suis réveillée ce matin et je me suis sentie périmée vieille.

Ces gens qui achètent des prix barrés, des taux de réduction, des « payez 5 nuits, les 2 suivantes sont gratuites », ils achètent quoi ? Juste un prix. Et il faudrait qu’ils comprennent que quand ils achètent un prix, ils n’en ont que pour leur argent. Pas davantage.

Je suis la première à ne pas défendre le système traditionnel où le client achète ce qu’une agence de voyages achète à un TO qui achète à un réceptif. Je ne vais pas jouer à chercher qui est fautif (je suis trop grande pour le plan « c’est pas moi qui ai commencé ») mais oui, on commence à dire un peu partout que l’un des maillons de la chaine est de trop, parce qu’il ne sert à rien :

Si l’agence ne fait qu’enregistrer la commande d’un client qui est fidèle à un TO, elle ne mérite même pas ses 12%. Si le TO ne sert qu’à mettre sur catalogue l’addition d’un vol régulier et d’un hôtel, il ne mérite que d’être contourné par l’agence qui achètera son vol d’un côté et l’hôtel de l’autre.

Mais nous, dans les agences, on sert à quoi ? J’ai réfléchi (ça m’arrive : j’ai un demi-neurone en parfait état de marche).

On ne sera jamais aussi performante qu’un moteur de recherche pour répondre à la question « qu’est-ce que vous avez en promo ? » 
Notre grande utilité, c’est le conseil. Encore faut-il pour ça qu’on connaisse nos clients et les produits qu’on pourrait leur vendre. Après, il suffit d’avoir un peu de persuasion pour orienter le bon client vers le bon produit.

C’est en listant les voyages d’étude récemment effectuées par les filles que je m’en suis rendue compte : on n’est plus invitées par les TO mais par les offices de tourisme, les chaines hôtelières et les réceptifs. Tous ces gens là ont tout intérêt à ce qu’on connaisse bien les produits pour qu’on puisse ensuite en parler à nos clients et les convaincre. Et surtout, qu’on sache vendre le bon produit au bon client.

Qui peut vendre le bon produit au bon client ? Sans doute pas une mutuelle ou une banque, encore moins un CE, facebook ou un site de vente plus ou moins privée. Qui alors ? La petite agent de voyages qui connaît ses clients et les produits. Ah ben tiens ! On l’avait peut-être enterrée oubliée un peu vite celle là.

Je reviens cinq minutes sur les programmes de certification des offices de tourisme. Ce truc est magique : avec les filles, on est certifiées par 14 destinations. On ne sait pas tout sur tout. Mais on a reçu de vraies formations théoriques, on est parties en voyages d’étude, on voit régulièrement les commerciaux canons des chaines hôtelières et ceux des compagnies aériennes impliquées dans ces programmes. Après, notre connaissance s’entretient par la vente, les retours clients, les mises à jour des informations par les fournisseurs et diverses lectures. On est des vraies expertes des destinations en question. Et on sait les vendre. Un client qui me demande le Kenya, le Maroc, l’Afrique du Sud, la Thaïlande, Maurice ou les Bahamas, tu peux être sûr que je vais le saigner faire signer.

J’aimerais que les prestataires fassent un peu confiance aux petites agents de voyages blondes. Je vais te donner un exemple. Moi, j’aime bien la clientèle « Maurice » (l’île, pas le poisson rouge du petit garçon de la pub pour la crème au chocolat) et la clientèle « Seychelles ». Les destinations sont faciles à vendre, elles ne sont pas trop bon marché (c’est à dire que quand tu regardes ce que tu as gagné en conseillant juste un ou deux hôtels, tu te dis que tu n’as pas travaillé pour rien), et plus souvent, les gens en ont pour leur argent et reviennent contents.

Tu es d’accord que cette clientèle elle est plutôt aisée. Du coup, il ne faut pas la perdre… Comme on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, on va la faire venir en lui faisant miroiter un cadeau.

Pour la fidéliser, on a lancé une offre magique sur notre site web dédié au Maroc : chaque client qui est allé à Maurice ou aux Seychelles dans les douze derniers mois reçoit une réduction de 15% sur son voyage au Maroc et un soin dans un spa partenaire (toujours au Maroc).

On explique au client qu’il doit juste nous donner une copie de son e-ticket, de son boarding-pass ou de la facture de son voyage à forfait. Ainsi, on sait où il a acheté son dernier voyage ou s’il est frequent flyer d’une compagnie aérienne (ça alimente le CRM de Big Boss, il adore).

En plus, on fait parler le client de son voyage dans l’Océan Indien (ce qui nous permet de comprendre ses goûts en matière d’hôtellerie) on lui prouve qu’on connaît les destinations en faisant des commentaires de brunes intelligents (on est toutes allées soit aux Seychelles, soit à Maurice donc on sait répondre aux remarques des clients) et si il y a une destination où on est incollables, c’est bien le Maroc !   

En accordant 15% de réduction sur un forfait Maroc, on ne gagne même pas la moitié de notre marge habituelle mais 

1) notre réceptif est content parce qu’il faut bien avouer que plus personne ne va au Maroc la destination a besoin d’être relancée ;

2) les clients se disent que pour avoir une réduction significative, il faut acheter des voyages chers (parce que 15% sur un voyage moisi à 229 €, c'est pas la réduc' du siècle non plus...)

3) on acquiert une nouvelle clientèle blindée à mort aisée (puisqu’elle est partie dans l’océan indien) qui ne connaissait pas l’agence (charge à nous de la fidéliser en mettant en valeur notre expertise, ce qui nous permettra de lui vendre autre chose plein pot) ; 

4) ça permet de fidéliser « notre » clientèle historique qui n’ira pas céder aux sirènes moisies voir ailleurs ; 

5) ça ne dégrade pas notre recette sur les autres desti puisqu’on fait croire qu’on n’est pas à l’origine de l’offre spéciale : on explique que cette offre est faite par nos partenaires au Maroc pour relancer la destination (ce qui est complètement faux : notre réceptif offre juste le soin au spa). Ainsi, les clients ne demandent pas ce type de réduction  quand ils achètent autre chose. (ben non, l’agence n’y est pour rien… vous savez bien qu’on vend toujours au juste prix, c’est pas le genre de la maison de brader ses compétences, on gagne tellement peu dans cette profession, ma pauvre dame, je ne mange même pas à ma faim, voyez combien je suis famélique)  

6) ça fait parler de nous.

Big-Boss a aussi négocié d’autres trucs avec une chaîne hôtelière bien implantée aux Caraïbes mais je ne vais pas te dévoiler pour les secrets de marketing de l’agence.
En attendant, attends-toi à des petites infidélités de la part de tes clients Seychelles et Maurice parce qu’on va tout faire pour te les piquer. Que tu sois une agence de voyages classique ou web, un TO, Groupon ou un CE. Pan ! Dans ta face. 


samedi 29 septembre 2012

Je vais t'en mettre, moi... de la désintermédiation...

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais à Top Résa, il y avait une ambiance de mort bizarre. Officiellement, 28 788 professionnels ont visité le salon, ce qui revient à dire que la fréquentation a augmenté de 3,7% par rapport à la dernière édition.

Et moi, je vais vous balancer le scoop du siècle : il y en avait au moins un autre !

Le schtroumpf à lunettes Jeff est allé à Top Résa le mardi et le soir, il m’a donné son badge. Du coup, mon Nico chéri est allé à son premier Top Résa mercredi sous une fausse identité (celle de Jeff). Alors, les organisateurs ne le savent pas, mais un 28 789ème visiteur s’est discrètement infiltré ! Et il ne voulait pas faire des affaires : juste trouver du travail…

Malgré cette officielle augmentation de la fréquentation, j’ai entendu bien des exposants se plaindre que cette année, « quand même, on ne voit pas beaucoup d’agents de voyages ». Ah ben tiens… certains m’ont dit que Top Resa étaient devenu une espèce d’intermarché où les exposants se parlaient entre eux pour passer le temps et que parfois, ils faisaient commerce entre eux… Beaucoup de boss d’agences étaient absents, et nous, les petites agents de voyages blondes ? Où étions-nous ? Dans ton c....

La réponse tient en peu de mots. Nous étions assises sur nos c... derrière nos comptoirs et nous essayions de traquer le client. Et un peu partout, l’effectif est tendu. Très tendu… alors comment quitter le comptoir quand on est si peu nombreux à assurer dans les boutiques ? Par exemple, moi, je n’y suis allée que le mercredi (au prix d’une longue veillée à l’agence le mardi pour respecter mes deadlines) alors que toutes les autres années, j’y passais 2 jours complets.

Quand on ne passe qu’une journée à Top Résa, il faut faire des choix draconiens. Qu’y voir ? Que faire ? Comment organiser sa journée ?

On sait bien que ça n’est pas à Top Résa qu’on fait des affaires et mes fournisseurs préférés viennent de toute façon à l’agence la semaine qui précède ou celle qui suit le salon pour bosser « concrètement ».

Alors telle la fille un peu frivole que je suis parfois, je suis juste allée fureter sentir les tendances. Concrètement, ça consiste à aller nez au vent dans les allées, faire des bisous hypocrites  à des gens que je déteste à gauche à droite, croiser les copines et écouter les pétasseries. Pas très productif ? Que nenni ! Promis, j’ai appris plein de trucs. Et comme je suis ton amie, je vais te raconter les derniers ragots du secteur les faire partager.

Concrètement, et il faut se l’avouer sans faux semblant. Ça pue. Partout. Sur tous les segments, y’a des problèmes. Agences distributrices, TO, réceptifs, tout le monde se regarde en chien de faïence, la défiance est totale et chacun attend que l’autre fasse un faux pas pour pouvoir revenir sur ses engagements en accusant l’autre d’avoir triché en mode « maitresse, c’est lui qui a commencé ».

En fait, « celui qui a commencé », c’est le client. Le client ne vient plus nous voir, il surfe sur internet, est à l’affût des meilleurs plans, hésite, consulte, compare et après moult tergiversions, il se décide et réserve. Sur un site web plus ou moins marchand. Et après plusieurs échanges d’e-mails quand même « pour être sûr de son choix ».

Les mauvaises langues diront « si le client va sur le web chercher ses voyages, c’est parce que son agent de voyages n’arrive pas à le faire rêver ». Les avocats des diables agents de voyages rétorqueront « c’est parce que les TO ne sont pas assez souples et innovants ». Bref, le sport national, c’est de jeter la pierre dans le jardin de son voisin.

La dernière idée révolutionnaire à la mode, c’est de dire que l’avenir, c’est la vente en direct des réceptifs aux clients. Avant, il y avait deux intermédiaires (le réceptif vendait au TO qui revendait aux agences qui distribuaient aux clients). Désormais, le TO vend en direct ou l’agence produit via un réceptif. Et demain ? Les réceptifs convaincront les clients de se passer des intermédiaires ?

Pas certain ! Parce qu’avoir de la visibilité, pour les réceptifs, c’est pas facile. Alors ils s’organisent. Le truc à la mode, c’est les fédérations dégueulasses hors la loi de réceptifs qui se regroupent entre eux pour pénétrer le marché en présentant une offre globalisée et mondiale. A ce demander ce que font le SNAV et Atout France pour tolérer ce paracommercialisme. Tu n’as pas tout saisi ? Relis et pèse chaque mot. Si tu as un peu de jugeote, tu t’exclames « mais, les agences, elles peuvent faire ça ! »

Non, stupide créature blonde et crétine. Les agences n’ont plus de client. Alors les réceptifs vont les chercher (les clients). via des intermédiaires dégueu' plus ou moins douteux de « mise en relation ». La belle affaire ! Encore des marketeux vaniteux comme des chefs de produits de L'Oréal qui vont faire des analyses de tendance pour impressionner des entrepreneurs en mal de clients. Des gens qui ont fait des études et qui sont capables de te faire des présentations en 3 dimensions…

Je te résume le concept : le client croit que les agents de voyages achètent au même prix que ce qu’il est capable d’acheter tout seul. Alors il passe des heures sur le net à chercher des bons plans. Il tombe sur une espèce de plate-forme de réceptifs. La plate-forme en question va chercher le client en dépensant des fortunes en achats de mots-clefs sur Google. (on appelle ça de « l’acquisition de trafic » et ça coûte très cher). Le client-voyageur va construire son itinéraire avec l’assistance de « l’agent local », poser 36 questions, négocier avec un forfaitiste  payé 200 $ pauvre hère illétré perdu au bout du monde.

La plupart du temps, le client va recevoir une cotation moisie écrite avec le pied gauche proposition et consulter un agent de voyages pour vérifier la bonne tenue de son itinéraire « vous en pensez quoi ? ». (ben oui, les clients savent qu’en général, on sait de quoi on parle…)

Moi, quand j’ai ce genre de demandes, je prends un air dégoûté « mon Dieu, il parle français celui qui vous a pondu ça ? » et après, je feins l’évanouissement « mais il veut vous faire dormir dans des cabanes à cafards en plus ? » et je termine par une grimace repoussante « jamais je n’oserais proposer ce genre de chose à quelqu’un de convenable » pour rebondir sur un très positif « recommençons à zéro ; qu’attendez-vous vraiment de ce voyage ? ». Ben oui, le client est là, face à toi, tu ne le laisses pas partir… Charge à toi ensuite de le ferrer…

Depuis des années, je crée mes itinéraires toute seule, avec l’appui logistique de « mes » réceptifs. Je rachète des produits finis aux TO que lorsque les voyages en question sont chartérisés ou labélisés. On appelle ça la « valeur ajoutée » non ?

Ma valeur ajoutée à moi, c’est de proposer toute l’offre et de la segmenter par rapport à ce que recherche le client. Le client veut un vol direct et un club sans surprise ? Je réserve sur le site B2B d’un TO un package qui comprendra, outre le vol charter, un transfert groupé et un club « all inclusive ».

A Top Résa, je suis même allée voir le stand de la vilaine compagnie orange qui a licencié mon Nico en juillet. Elle rechignait à être distribuée en agence ? Elle continue d’écrire sur ses boarding-pass « réservez en direct pour éviter les frais cachés des intermédiaires » ? Si elle est désormais affichée en GDS, c’est qu’elle a envie de travailler avec nous, non ? Alors écoutons ce qu’elle a à nous dire.

Mais la phrase la plus intéressante que j’ai entendue de ma journée à Top Résa, c’est celle d’un des réceptifs avec qui je travaille. Il se plaignait qu’après un an de collaboration avec une plate-forme de mise en relation clients-réceptifs, il n’avait concrétisé que 1% des demandes reçues et qu’il avait dû mobiliser des ressources humaines pour traiter un volume considérable de demandes non-qualifiées.

1% de demandes abouties alors qu’il annonce 25 à 30% de concrétisation sur les demandes des agences de voyages, c’est comment dire du temps perdu « un peu time consuming ». Du coup, il a cessé toute collaboration avec cette plate-forme moisie de mise en relation. Et il a réaffecté ses ressources au B2B.

Ça m’a donné une idée : si les 14 000 agents de voyages de France se mettaient à inonder ces regroupements de réceptifs : « Vous me conseilleriez quoi ? La grande boucle avec immersion dans les minorités ethniques ou le circuit classique ? Et pour l’hébergement, vous auriez quoi d’autre avec un peu d’animation ? Et vos véhicules, ils ont quel kilométrage ? Vous êtes sûr que c’est la bonne saison ? Vous pourriez me mettre une option pour un mois le temps que je me décide ? Un petit geste commercial ? Sinon, j’ai vu sur internet que cet hôtel n’a pas très bonne réputation, vous le connaissez, vous ? »

Voyons le bon côté des choses ! Vous pouvez ainsi avoir une vraie formation destination par un « agent local expert » bien plus concrète que dans un e-learning d’office de tourisme, vous aurez des exemples d’argumentation sur tous les pays du monde, recueillerez des photos magnifiques. Vous ne connaissez pas ces plates-formes ? Cherchez dans Google « agent local », « réserver voyage en direct », « voyage sans intermédiaire » ou des choses comme ça. Vous allez trouver votre bonheur.

Et si on s’y met à plusieurs, on fera encore baisser un taux de concrétisation ridiculement bas, ce qui achèvera de convaincre les réceptifs sérieux de bosser avec ces boites dégueu’. Last but not least : on assurera un revenu maximum à Google qui continuera à nous envoyer des petites cartes « obtenez de nouveaux débouchés commerciaux : 75 € offerts sur votre première campagne » ce qui donnera de la visibilité aux ventes de nos fringues d’occas’ sur leboncoin ou ebay.

« A chaque chose malheur est bon » disait ma grand-mère. Alors si on peut décourager ces néo-concurrents tout en apprenant et en s’amusant, ça peut être du temps utilement dépensé !

mardi 25 septembre 2012

Top Resa : Léa est passée prendre sa carte d'agent de voyages au stand du SNAV


A TOP RESA, la petite agent de voyages blonde que je suis est passée prendre incognito (c'est ce que je croyais...) ma carte d'agent de voyages au Stand du SNAV. Un véritable camouflet pour ceux qui doutaient de encore de mon existence. Bien entendu, j'ai demandé un anonymat absolu comme il se doit...
"je ne suis pas folle, vous savez"


 

mardi 28 août 2012

Léa t'explique comment lire une offre d'emploi

Selon les dernières statistiques (en données corrigées des variations saisonnières, du réchauffement climatique et des humeurs de mes copines), le secteur des agences de voyages a détruit 4000 emplois ces dix dernières années. On lit cette phrase, on marque une pause et on pousse une exclamation : « waouh ! »



J’ai fait une véritable recherche documentaire. C’est qu’il fallait que j’essaie de comprendre le pourquoi du comment. Il y a plusieurs raisons possibles. Bien entendu, les experts consultants moisis qui savent tout beaucoup mieux que tout le monde savent. Ils ont même plusieurs explications :

1. c’est à cause de l’accroissement de la productivité :

Vous connaissez tous ce bon mot qui tourne partout sur le web : « Je peux calculer des prix pour 3 personnes différentes en même temps. Je peux m'occuper de 5 réservations dans 5 systèmes de réservations simultanément et répondre en même temps à 5 téléphones. Je parle toutes les langues utilisées sur cette planète, et j'ai visité tous les pays personnellement.

Je connais chaque plage et chaque hôtel et je suis au courant de toutes les formalités douanières pour tous les pays (…). Je suis responsable pour tous les repas servis à bord des avions, des retards aériens, pour les voitures de location en panne, pour les avions cloués au sol pour des raisons techniques, pour les conditions climatiques, les guerres, les révolutions, etc...

Je suis responsable pour la situation économique ainsi que des éventuels cours de change désavantageux. Je sais que si vous réservez un vol pour le vendredi, vous vouliez dire samedi. (…) je peux aisément remplacer votre psychanalyste (…) Je suis agent de voyages. »

Je ne sais pas vous… mais moi, je me reconnais. Grâce au progrès informatique, aux sites B2B merveilleux qui ne marchent pas cherchent tout pour vous, à l’invention de l’e-ticket (on ne passe plus des heures à vérifier 12 fois qu’on n’a pas oublié un coupon ATB), on va plus vite…


(ne me remercie pas de t'avoir fait écouter de la grande musique, ça me fait plaisir de te contribuer à ma façon à ta culture)
Forcément, quand on va plus vite, on peut faire autant avec moins de bras et moins de cerveaux. Alors, on peut faire tourner une agence à 3 au lieu de 5. Toutes les agences ne licencient pas mais beaucoup « ne remplacent pas les départs ». Question de survie. En trois mots : « marche ou crève ».

2. C’est à cause de la désintermédiation :

Forcément, depuis que les clients réservent leurs voyages sur les sites des pure players, des chaines hôtelières, via les métamoteurs ou chez les TO (voire chez les réceptifs en direct), ils n’ont plus besoin s'affranchissent des agences de voyages. Enfin, si… pour les conseils infaillibles qu’on va leur donner. Mais comme ils n’achèteront pas chez nous, ça ne fait pas de chiffre. Et nos Big-Boss nous disent « le chiffre est en baisse, on ne peut pas embaucher, il faut accroitre notre productivité » (on revient au point 1…)

3. C’est la faute à la crise :

On va essayer d’arrêter de se mentir : depuis 4 ans (et c’est chaque année pire encore), le business s’effrite chaque fois un peu plus. Les gens sont limite des clochards ne partent pas en vacances. Ou pas loin et pas longtemps. On est 8 à pleurer notre race transpirer sang et eau chez Big Boss Voyages et il n’y a que Max (en Espagne) et moi (en Grèce) qui sommes partis à l’étranger cet été. Et je le vois chez mes copines et même chez nos clients. Cet été, pour nombre d’entre eux, c’était « 15 jours en location » assortis de « quelques week-ends prolongés à squatter chez des potes à la campagne ou au bord de la mer ». Ce qu’on appelait « Paris ville déserte au mois d’août », je ne l’ai pas vu cette année ! A croire que les gens n’ont pas de vacances.

Du coup, comment se porte le marché de l’emploi ? Ben je vais vous dire : Mal. Des deux côtés. Il faut se rendre à l’évidence : il y a inadéquation entre l’offre et la demande.

Je vous donne comme ça, en vrac, quelques exemples…

1. Les gens ne se respectent pas :

La semaine dernière, j’ai lancé une enquête via ma page Facebook : je voulais des anecdotes. Caroline (cette petite est pleine de bon sens) déclare simplement : « tant que tu acceptes un CDD, un salaire au SMIC et des clients relous, tu trouves ». Bien résumé !

Sauf qu’Aurore serait prête à accepter un premier job en CDD et payé au SMIC. La preuve : elle a passé 1h30 dans les transports en commun pour son premier entretien. Elle s’est déplacée pour s’entendre dire qu’elle habite trop loin (euh… son adresse était sur son CV), qu’elle n’a pas assez d’expérience (ça aussi, c’était sur son CV) et que le pompon, c’est que le recruteur lui annonce qu’elle « n’a pas choisi la bonne branche car le secteur est fermé ». Fermé par qui et par quoi, cher Monsieur ?

Sylvie, de son côté, se plaint d’avoir passé une annonce et d’avoir attendu en vain des CV… finalement, elle en a reçu 6 « tous mauvais ». Elle a pourtant proposé des rendez-vous aux deux candidats qui avaient l’air les moins pires : le garçon était très à l’aise (avec les pieds sur le bureau), la fille a déclaré en fin d’entretien « je vous rappelle la semaine prochaine, ça pourrait être pas mal mais vous n’êtes vraiment pas ma priorité ».

2. Chez Big-Boss Voyage, on remplace une vendeuse confirmée niveau E par un contrat de qualif’ :

Quand Coralie est partie accoucher de son horrible gnôme Melvil, on était un peu en flux tendu à l’agence. Du coup, on avait embauché le schtroumpf à lunettes Jeff, on avait l’impression qu’il « remplaçait » Coralie et puis quand elle est revenue, il est resté. Bilan : +1. En gros, en attendant que Coralie parte en congé mat’ pour embaucher Jeff, Big-Boss avait juste retardé la création d’un poste supplémentaire. Malin…

Là, pour remplacer Coralie lors de son prochain rôle (« Alien II, la délivrance »), on a embauché un petit contrat de qualif’. OK, c’est un peu sale comme méthode… Elle va coûter à Big-Boss la moitié du misérable salaire de Coralie. Du haut de ses 19 ans et demi, Mélody comprend tout au quart de tour, certes… mais elle est loin d’avoir le niveau pour remplacer une vendeuse confirmée niveau E… alors qu’est-ce qu’on fait ? On bricole… Mélody va taper les devis, émettre les billets, créer les pochettes de voyages, réserver le train pour les sociétés, faire les factures… bref, les basses besognes ! Mais elle va apprendre, alors elle ne se plaint pas. D’ailleurs, quand elle va entrer à l’école dans 15 jours, elle sera déjà parfaitement opérationnelle sur Amadeus Rail… Pendant ce temps là, on a une vraie vendeuse en moins à l’agence… et on se sert les coudes. Voir le point ci-dessus « amélioration de la productivité ».

3. Chez les TO, on recrute des commerciaux… au SMIC :

Je vous raconte la life de mon Nico. Certes, il est à peine majeur n’a que 25 ans, mais il parle anglais, le langage du corps comme personne et italien couramment, il a 5 ans d’expérience dans le service, il est canon beau comme le jour, il connaît de très près une agent de voyages diabolique qui lui a fait des formations intensives de culture touristique sur l’oreiller et même une formation Amadeus Air digne des meilleures écoles de tourisme (il fallait bien que je m’occupe intelligemment, toute seule, les samedis du mois d’août à l’agence)

Outre ses pectoraux d'acier, son sourire et son regard, Nico a de nombreuses qualités essentielles pour devenir une bête de commercial tourisme : il est attentif, patient, charmeur, il respecte les délais, ne laisse aucune question sans réponse et saura embobiner n’importe quelle gourdasse agent de voyages (j’en suis… comment dire… la preuve chaque jour renouvelée). Et bien figurez-vous que plusieurs TO recrutent en ce moment. A 1500 € bruts x 12. Trop généreux ! Alors mon Nico reste au chômage avec ses 1680 € d’allocation de retour à l’emploi par mois. Du gâchis pour tout le monde…

4. Les stagiaires, ça travaille bien et ça ne coûte pas cher :

Je connais des boites où il y a plus de stagiaires que de salariés. Quand j’étais en BTS, j’ai fais un stage de 3 mois dans une boite de ce genre. La fille qui m’encadrait était complètement comme un hamster dans sa cage débordée. Elle gérait une équipe de 8 personnes dont 6 stagiaires. Elle n’avait jamais le temps de ne rien faire et encore moins de nous aider. Entreprises pleines de stagiaires, interrogez sur l’image que vous donnez à ces futurs-pro… ce genre de pratique révèle l’Arlette Laguiller qui sommeille en moi, prête à bondir.

Bon… Léa est votre amie et va vous aider à lire une offre d’emploi ! ça fait deux mois que je fais ça avec Nico alors je vous fais profiter de mon expertise… Quand vous regardez une offre d’emploi, si vous n’avez que google translate pour traduire, vous n’allez pas comprendre. Moi, je suis bilingue en langage de bâtard d'exploiteur recruteur et je vais vous expliquer… (toute ressemblance avec des offres d’emploi publiées sur votre portail préféré ne serait peut-être pas que le fruit du hasard…)


Quand vous voyez… "agence en forte expansion" ; il faut lire "casseur de prix qui veut acheter des parts de marché mais qui ne cherche pas la rentabilité"

Quand vous voyez… "recherche un chef des ventes, deux attachés commerciaux, un superviseur de réservation, des agents de vente, un comptable" il faut lire "suite au départ théâtral de la moitié de l’effectif (sans préavis et en claquant la porte)

Quand vous voyez… "excellente présentation", il faut lire "on cherche une potiche"

Quand vous voyez… "autonomie, bonne capacité d’organisation", il faut lire "capable de s’adapter à une boite sans méthode ni procédure ; il faudra que tu te débrouilles tout(e) seul(e)"

Quand vous voyez… "résistance au stress", il faut lire "tu dois être drogué(e) bourré(e) de tranquillisants pour ne pas devenir fou/folle"

Quand vous voyez… "vous aimez vendre au téléphone", il faut lire "ton brushing sera écrasé par un casque de 2 kilos"

Quand vous voyez… "salaire motivant", il faut lire "tu seras payé au SMIC et il faudra te défoncer pour avoir une prime de 60 € (bruts…)"

Quand vous voyez… "salaire très motivant", il faut lire "tu seras peut-être payé uniquement à la commission"

Quand vous voyez… "poste à pourvoir immédiatement", il faut lire "le staff qu’on n’a pas licencié est au bord de la crise de nerfs et menace de tout casser si on ne lui apporte pas du renfort"

Quand vous voyez… "opérationnel tout de suite", il faut lire "on n’aura pas le temps de te former à quoi que ce soit, ne rêve pas. Tu arrives dans l’entreprise et tu fonces. Tu apprendras sur le tas"

Quand vous voyez… "envoyer lettre manuscrite", il faut se demander "à la plume d’oie ? Mets-toi à la page, employeur : on a inventé le clavier"

Voilà... ma life en ce moment : gérer l’activité de l’agence (certes, un peu faible…) avec une vendeuse en moins au comptoir, assurer la formation d’une petite débutante, coacher un chômeur, tout en sachant que je n’aurai pas une journée de vacances avant le retour de Coralie, en février.

Franchement, au risque de me répéter, « on fait pas des métiers faciles ».