Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais en ce moment, on
ne parle que de voyages au rabais, de bons plans, d’offres discount, de promo et de bonnes affaires.
Et ben franchement, quitte à passer pour une râleuse, ça me saoule. N’importe
qui achète n’importe quoi, et surtout, le revend à n’importe qui à n’importe
quel prix !
Il faut trouver le client où il est. On est d’accord. Mais
pas à n’importe quel prix.
Il y avait un temps heureux où les gens qui voulaient partir
en vacances allaient dans une agence de voyages. Qu’elle soit dans la rue, sur
le web ou dans un centre commercial, c’était simple : elle venait.
Maintenant, il faut savoir la provoquer, la chercher avec les dents, l’interpeller.
Parce que désormais, les gens achètent leurs voyages n'importe où : dans
leur CE, chez leur assureur ou leur banquier, sur des sites web de ventes plus
ou moins privées, via des comparateurs, dans des journaux ou sur des
plates-formes de réceptifs bizzaroïdes. Bref, les clients s’engagent auprès de
quelqu’un qui ne sait pas de quoi il parle, mais qui leur promet un « bon
plan ».
Demain, ils achèteront sur Facebook ou avec leur téléphone
portable en flashant des QR codes. Ben franchement… je me suis réveillée ce matin et je me suis
sentie périmée vieille.
Ces gens qui achètent des prix barrés, des taux de
réduction, des « payez 5 nuits, les 2 suivantes sont gratuites », ils
achètent quoi ? Juste un prix. Et il faudrait qu’ils comprennent que quand
ils achètent un prix, ils n’en ont que pour leur argent. Pas davantage.
Je suis la première à ne pas défendre le système
traditionnel où le client achète ce qu’une agence de voyages achète à un TO qui
achète à un réceptif. Je ne vais pas jouer à chercher qui est fautif (je suis
trop grande pour le plan « c’est pas moi qui ai commencé ») mais oui,
on commence à dire un peu partout que l’un des maillons de la chaine est de
trop, parce qu’il ne sert à rien :
Si l’agence ne fait qu’enregistrer la commande d’un client
qui est fidèle à un TO, elle ne mérite même pas ses 12%. Si le TO ne sert qu’à
mettre sur catalogue l’addition d’un vol régulier et d’un hôtel, il ne mérite
que d’être contourné par l’agence qui achètera son vol d’un côté et l’hôtel de
l’autre.
Mais nous, dans les agences, on sert à quoi ? J’ai
réfléchi (ça m’arrive : j’ai un demi-neurone en parfait état de marche).
On ne sera jamais aussi performante qu’un moteur de
recherche pour répondre à la question « qu’est-ce que vous avez en
promo ? »
Notre grande utilité, c’est le conseil. Encore faut-il pour
ça qu’on connaisse nos clients et les produits qu’on pourrait leur vendre.
Après, il suffit d’avoir un peu de persuasion pour orienter le bon client vers
le bon produit.
C’est en listant les voyages d’étude récemment effectuées
par les filles que je m’en suis rendue compte : on n’est plus invitées par
les TO mais par les offices de tourisme, les chaines hôtelières et les
réceptifs. Tous ces gens là ont tout intérêt à ce qu’on connaisse bien les
produits pour qu’on puisse ensuite en parler à nos clients et les convaincre.
Et surtout, qu’on sache vendre le bon produit au bon client.
Qui peut vendre le bon produit au bon client ? Sans doute
pas une mutuelle ou une banque, encore moins un CE, facebook ou un site de
vente plus ou moins privée. Qui alors ? La petite agent de voyages qui
connaît ses clients et les produits. Ah ben tiens ! On l’avait peut-être enterrée oubliée un peu vite celle là.
Je reviens cinq minutes sur les programmes de certification
des offices de tourisme. Ce truc est magique : avec les filles, on est
certifiées par 14 destinations. On ne sait pas tout sur tout. Mais on a reçu de
vraies formations théoriques, on est parties en voyages d’étude, on voit
régulièrement les commerciaux canons des chaines hôtelières et ceux des compagnies
aériennes impliquées dans ces programmes. Après, notre connaissance
s’entretient par la vente, les retours clients, les mises à jour des
informations par les fournisseurs et diverses lectures. On est des vraies
expertes des destinations en question. Et on sait les vendre. Un client qui me
demande le Kenya, le Maroc, l’Afrique du Sud, la Thaïlande, Maurice ou les
Bahamas, tu peux être sûr que je vais le saigner faire signer.
J’aimerais que les prestataires fassent un peu confiance aux
petites agents de voyages blondes. Je vais te donner un exemple. Moi, j’aime
bien la clientèle « Maurice » (l’île, pas le poisson rouge du petit
garçon de la pub pour la crème au chocolat) et la clientèle
« Seychelles ». Les destinations sont faciles à vendre, elles ne sont
pas trop bon marché (c’est à dire que quand tu regardes ce que tu as gagné en
conseillant juste un ou deux hôtels, tu te dis que tu n’as pas travaillé pour
rien), et plus souvent, les gens en ont pour leur argent et reviennent contents.
Tu es d’accord que cette clientèle elle est plutôt aisée. Du
coup, il ne faut pas la perdre… Comme on n’attrape pas les mouches avec du
vinaigre, on va la faire venir en lui faisant miroiter un cadeau.
Pour la fidéliser, on a lancé une offre magique sur
notre site web dédié au Maroc : chaque client qui est allé à Maurice ou
aux Seychelles dans les douze derniers mois reçoit une réduction de 15% sur son
voyage au Maroc et un soin dans un spa partenaire (toujours au Maroc).
On explique au client qu’il doit juste nous donner une copie
de son e-ticket, de son boarding-pass ou de la facture de son voyage à forfait.
Ainsi, on sait où il a acheté son dernier voyage ou s’il est frequent flyer
d’une compagnie aérienne (ça alimente le CRM de Big Boss, il adore).
En plus, on fait parler le client de son voyage dans l’Océan
Indien (ce qui nous permet de comprendre ses goûts en matière d’hôtellerie) on
lui prouve qu’on connaît les destinations en faisant des commentaires de brunes intelligents (on est toutes allées soit aux Seychelles, soit à Maurice donc on
sait répondre aux remarques des clients) et si il y a une destination où on est
incollables, c’est bien le Maroc !
En accordant 15% de réduction sur un forfait Maroc, on ne
gagne même pas la moitié de notre marge habituelle mais
1) notre réceptif est content parce qu’il faut bien avouer que plus personne ne va au Maroc la destination a
besoin d’être relancée ;
2) les clients se disent que pour avoir une réduction significative, il faut
acheter des voyages chers (parce que 15% sur un voyage moisi à 229 €, c'est pas la réduc' du siècle non plus...) ;
3) on acquiert une nouvelle clientèle blindée à mort aisée (puisqu’elle est partie dans
l’océan indien) qui ne connaissait pas l’agence (charge à nous de la fidéliser
en mettant en valeur notre expertise, ce qui nous permettra de lui vendre autre
chose plein pot) ;
4) ça permet de fidéliser « notre » clientèle historique qui n’ira
pas céder aux sirènes moisies voir ailleurs ;
5) ça ne dégrade pas notre recette sur les autres desti puisqu’on fait croire
qu’on n’est pas à l’origine de l’offre spéciale : on explique que cette
offre est faite par nos partenaires au Maroc pour relancer la destination (ce
qui est complètement faux : notre réceptif offre juste le soin au spa).
Ainsi, les clients ne demandent pas ce type de réduction quand ils achètent autre chose. (ben non,
l’agence n’y est pour rien… vous savez bien qu’on vend toujours au juste prix,
c’est pas le genre de la maison de brader ses compétences, on gagne tellement
peu dans cette profession, ma pauvre dame, je ne mange même pas à ma faim, voyez combien je suis famélique)
6) ça fait parler de nous.
Big-Boss a aussi négocié d’autres trucs avec une chaîne
hôtelière bien implantée aux Caraïbes mais je ne vais pas te dévoiler pour
les secrets de marketing de l’agence.
En attendant, attends-toi à des petites infidélités de la
part de tes clients Seychelles et Maurice parce qu’on va tout faire pour te les
piquer. Que tu sois une agence de voyages classique ou web, un TO, Groupon ou
un CE. Pan ! Dans ta face.
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