Je ne suis pas voyante, mais au mois de juin (il y a quatre
mois, donc un siècle…), j’avais titré « ça sent le sapin ». Là, à
l’orée de l’automne, je dirais même davantage « ça sent tellement fort le
sapin que ça m’en donne mal au crâne »
Les odeurs de mort et de sapin m’entêtent. J’avais commencé
à faire une liste des ces TO en sursis moribonds, de ces compagnies aériennes fragiles,
ces distributeurs qui ne tenaient qu’à un fil et qui ont vu le fil se rompre.
Mais depuis dix jours que je veux écrire cette chronique, je n’arrête pas de
compléter, raturer, ajouter des prestataires qui sont en train d‘agonir.
Et tout est lié. Depuis cette exposition de prix barrés, de
promesses de « vol à 1 € », d’enfants gratuits, de taux de réduction
faramineux… plus aucun client n’a de repère prix.
On ne voit partout que promotions, prix barrés, soldes, bonnes affaires et offres magiques. La récente chronique de François Weill dans TourMaG m’a interpelée :
discounter la croisière reviendrait à dégrader le produit. Elémentaire, non ?
Cette « nouvelle clientèle » avide de prix n’a pas les moyens de
payer des extra, se présente à la soirée du commandant en survet' dégueu tenue de sport, et du
coup, la clientèle « historique » des croisiéristes part voir
ailleurs.
Merci d’avoir ouvert un œil. Ça se passe comme ça dans le
secteur de l’hôtellerie depuis des années. Quand je vois des hôtels 5* se
lancer dans des promotions folles et faire du all inclusive, ça me fait mal.
Surtout quand ces offres sont distribuées sur des sites web de déstockage (vous
voulez des noms ?) et que n’importe qui peut acheter n’importe quoi en
trois clics. J’évoquais ce douloureux problème la semaine dernière.
On est tous en train de crever, et personne n’y peut rien.
Et chaque prestataire qui faille entraîne dans sa chute ses clients et
fournisseurs. Dans un monde où tout le monde travaille avec tout le monde, la
mort de quelqu’un te rapproche inexorablement de la tienne. Tu sens le souffle
rauque de la faucheuse sur ta nuque ? Méfie-toi, elle se rapproche.
Allez, je me lance dans un petit inventaire à la
Prévert :
Lufthansa, l’ex compagnie aérienne modèle d’Europe transfère
son activité moyen-courrier à sa filiale à bas coûts Germanwings. Seules les
liaisons au départ de Francfort, Munich et Berlin restent opérées par
Lufthansa. Les liaisons point à point depuis les villes moyennes allemandes
passent chez Germanwings. Casse sociale
en perspective. Pour les PN, c’est tout de suite « travailler plus pour
gagner moins »
Hello, compagnie charter suisse a déposé son bilan cette
semaine en raison « de l’incapacité de paiement de deux gros clients
français ». Euh… on peut avoir des noms s’il vous plait ? Histoire de
ne pas payer les TO en question tant que nos clients ne sont pas partis /
revenus ?
Je vous rappelle la situation en Espagne ? Malgré la
faillite de Spanair cet hiver, Air Europa baisse ses capacités et rend des
avions. Et Easyjet, l’ex star du ciel espagnole ferme sa base de Madrid et tous
ses vols intérieurs en Espagne continentale. Circulez, y’a (presque) plus rien
à voir.
Tiens… tant qu’on y est avec l’Espagne et les compagnies
aériennes, on parle de Travelplan ? Les filiales française et italienne
ferment. Là. Maintenant. Au 31 octobre. Comme ça. Propre. Plus rien. Il
nous reste qui comme TO spécialiste de l’Espagne à la carte ? Personne.
On peut parler de FRAM ? Selon Marie-Christine Chaubet,
il faut 30 millions tout de suite pour sauver l’ancien fleuron du
tour-operating indépendant français et 30 autres millions très vite pour relancer
la vieille machine grippée. Georges Colson ne dit rien, comme ça il ne peut pas
dire (comme d’hab) le contraire de ce que dit sa demi-sœur. Et NF (allégée de
30% de son personnel parti voir ailleurs si il y avait davantage de travail)
sans ses clubs, c’est toujours NF ?
On parle de Thomas Cook ? Non, pas Thomas Cook, on n’a
pas le droit. Thomas Cook est cotée en bourse alors si j’annonce de mauvaises
nouvelles à son propos, le cours va baisser et ça va être de ma faute.
N’empêche qu’un gentil banquier a offert à la vieille dame british une ligne de
crédit. Qui l’a requinquée.
Comme STI. Jusqu’à quand ?
Et Kuoni ? Vous vous souvenez qu’il y a un an, le TO
suisse rachetait le TO belge Best Tours pour la modique somme de
700 000 € ? (soit la bagatelle de 130 000 mojitos). Pile un an
après, la marque Best Tours est abandonnée. Adieu 700 000 €, production et
équipe commerciales, seaux de mojitos et ambitions de développement. De toute
façon, Kuoni se retire de 4 marchés européens. Fin.
Je ne m’étendrai pas sur
la faillite de la petite agence de quartier. Ça me donne envie de pleurer à
chaque fois et l’exemple est duplicable à l’infini. Je souhaite tout de même
revenir sur ce qu’il convient d’appeler un « mini réseau ».
Mini ? Laissez-moi rire (ou plutôt pleurer). C’est jusqu’à combien
« mini » ?
Alpilles Voyages, la bagatelle de 30 points de vente et 57
salariés, SOIT près de 1% des points de ventes agences de voyages de France a été liquidée la semaine dernière. Un coup de javel pour nettoyer par le vide ce
qui sentait encore la lavande il y a quelques jours et d’ici trois mois, tout
le monde aura oublié Alpilles Voyages. Tu ne me crois pas ? Tu te souviens
de Wasteels ? Tout le monde a oublié Wasteels.
Et les stars du sur-mesure ne vont pas bien. VDM (dont les communiqués brillent d’habitude) annonce la fermeture de son
agence de Caen et la déprogrammation de l’ouverture de celle d’Orléans.
« en 2013, on va faire le dos rond » déclare Jean-François Rial. Ben
tiens ! en ce moment, qui pourrait fanfaronner ?
Tout le mois de novembre, les conventions des réseaux
d’agences de voyages vont se succéder. Tout le monde va faire semblant de bien
travailler. Jusqu’à quand ?
On est fragiles. Tous. Il ne manquerait plus qu’un drame de
plus pour qu’encore nombre d’entre nous tombe comme au temps des famines ou des
grandes épidémies.
Que nous réserve l’hiver ? Une révolution, une
épidémie, une catastrophe naturelle ? Les pilotes d’Air France (et une
certaine catégorie de personnel de la SNCF) vont tenter d’accélérer les choses
en nous lançant une petite grève bien moisie au départ des vacances scolaires
de la Toussaint. Ça devrait bien en fragiliser quelques dizaines de plus…
Et pendant ce temps là, nos « anciens clients »
réservent sur Groupon ou sur Expedia. Et nous ? On ressort nos petites
robes noires sobres et classiques et on cherche comment attacher une mantille. Je
suis désolée de ne pas vous faire rire aujourd’hui, mais je n’ai pas le cœur à
ça.
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