mercredi 19 mars 2014

Les élections du président du SNAV

Il semble que ça s’agite chez les TO et dans les têtes de réseaux et que le Landerneau de la profession ne parle que de ça. Le sujet qui passionne nos apparatchiks, c’est « qui va être le prochain président du SNAV ? ». Le sujet passionne peut-être les patrons mais moi, petite agent de voyages, je vais vous faire une confidence : je m’en fiche éperdument.

Ce que l’on sait, c’est que de ces élections, va sortir une espèce de politburo avec une armée de présidents de régions, d’administrateurs, de représentants par familles, de présidents de commissions qui vont élire un conseil d’administration qui va lui-même élire un président dont les favoris jurent la main sur le cœur qu’ils n’y pensent même pas en se rasant.

Mais que bon, éventuellement, vraiment, si on les supplie, ils pourront y aller. Pour l’intérêt national, bien entendu. Pas pour leur soif de pouvoir.

En fait, le SNAV, c’est un genre de Sénat. Avec des gens qui connaissent vraisemblablement leur métier (ils sont à la tête d’une agence, puisque le SNAV est un syndicat de patrons), qu’ils ont manifestement fait leurs preuves (tellement d’agences ont fermé ces dernières années que si leur boite marche, c’est qu’ils savent la gérer) mais qui sont… comment dire ? D’âge respectable.

A l’heure où j’écris ces lignes, on ne connaît pas exactement la liste des impétrants.

Vous me connaissez, depuis bientôt 4 ans que j’écris dans TourMaG, je n’ai jamais usé de familiarité avec les grands de notre petit monde. Je n’appelle pas les gens pas leur prénom, encore moins par leurs initiales, des diminutifs ou des petits surnoms. Je laisse ça à mon Tonton Dom de la case d’en haut. Chacun son rôle à la rédac’ de TourMaG.

Céline, la rédac-chef adjointe de TourMaG a dégainé son téléphone et appelé les gens qui comptent dans notre profession pour leur demander ce qu’ils attendaient de notre futur président du syndicat. (c’est son rôle à elle, l’enquête terrain et l’analyse).

Attention, y’a du lourd : Selon l’échantillon non représentatif des interviewés, le futur président devra avoir 3 qualités essentielles : il devra être « efficace, compétent et professionnel ». Ah ouai ! Michèle Faure de Courtine Voyages (une agence rose bonbon qui fait un très beau volume d’affaires) prend des risques en dépeignant le profil d’un candidat clivant. Bien des gens préféreraient sans doute un président qui « brasserait de l’air, bon à rien et carrément amateur » !

Il y a tellement de melons surdimensionnés  dans la profession qu’à la lecture des scoops de Michèle Faure, bien des patrons du tourisme ont dû se dire « efficace, compétent et professionnel ? Cette Michèle m’encourage à mots couverts à me présenter ».

Je vais peut-être dire une bêtise mais le président du SNAV va incarner dans les média toute la profession pendant les prochaines années.

OK, je ne suis qu’une petite agent de voyages blonde mais je pense (autant qu’une femme blonde, frivole, jeune et bobo snob puisse penser) que le premier rôle du prochain président du SNAV, ça devrait être de donner envie aux gens d’entrer dans les agences de voyages (pour y acheter des voyages : pas pour se mettre au sec parce qu’il pleut).

J’ai fait mon casting. Je ne vote pas (je ne suis pas patronne), mais je me suis lancé dans le jeu des auditions façon nouvelle star (sortez vos bleus et vos rouges).

Candidat numéro 1 : Jean-Pierre Mas. Favoris des sondages. N’y pense pas en se rasant le matin (comme un certain Sarkozy en 2007 et ça lui a plutôt réussi). Fin politologue. A écarté FXDB (aïe, je commence à leur donner des diminutifs). Contrôle 20% des agences immatriculées en France. Part avec de sérieux avantages (le bourrage des urnes par exemple).

Candidat numéro 2 : François-Xavier de Boüard. C’est l’un de mes candidats de cœur d’abord parce que je le trouve rassurant : outre son port aristocratique, il assume ses cheveux blancs, il a une rondeur débonnaire et il fume le cigare. Ecarté de la gouvernance d’AS Voyage, il pourrait prendre sa revanche sur Mas en étant couronné roi des agences de voyages. Sur son trône, il distribuerait des bons et des mauvais points. Et traiterait Mas comme son valet. Juste retour de bâton. Comme cette profession est un vrai panier de crabes, nombre se reconnaîtraient en lui. Mais regardons les choses en face : il n’a aucune chance : Mas lui savonnerait la planche avec tant de soin que FXDB n’arriverait pas à monter sur une estrade faire un discours de campagne.  

Candidat numéro 3 : Richard Vainopoulos. J’ai fait exprès de le nominer juste après les anciens co-présidents d’AS Voyage, juste pour lui rappeler que TourCom n’est que le deuxième réseau d’indépendants en France. Avec lui, le discours est clair « l’état, c’est moi ». Modesto pourrait dire sans arrêt « je l’avais dit avant tout le monde », « je ne me trompe jamais » et « je suis le meilleur ». Le problème, c’est qu’on attend du président du SNAV qu’il soit proche des média. Et Monsieur Vainopoulos n’aime pas trop les journalistes (syndrome Jean-Luc Mélenchon). Fausse Bonne Idée.

Candidat numéro 4 (et actuellement n°2 dans les sondages) : Richard Soubielle. Un type que tout le monde connaît mais dont pas grand-monde n’est capable de dire où il travaille, c’est clairement un bon communiquant. Mais je pense qu’il sait bosser puisque FRAM avait quand même une autre allure quand il dirigeait la prod du TO qui sent bon le bob Paul-Ricard. De plus, j’avoue avoir une admiration particulière pour un mec qui est président d’une boite qui ne publie pas ses comptes (source : Infogreffe) et qui fait bosser sa (fort jolie) femme. Il peut ainsi capitaliser sur un détail : la possibilité que de nombreux patrons (hommes) du tourisme se disent « ce mec est comme moi, il ne peut pas être un mauvais bougre » (syndrome Bill Clinton)

Candidats numéros 5 et 5 bis : Alain de Mendoça et Folco Aloïsi. Je trouve qu’ils feraient vraiment un bon duo à la tête du SNAV et je ne dis pas ça parce qu’ils ont été mes premiers patrons… Bien entendu, les statuts n’ont pas prévu la possibilité d’élire des co-présidents mais 1) avec deux cerveaux, on a forcément plus la capacité de penser qu’avec un seul (cerveau), 2) tout le monde (dans le grand public) connaît promovacances, 3) ils sont tout de même très présentables sur un plateau télé. Si on file la métaphore politique, c’est un peu (en beaucoup plus jolis) les Bayrou/Borloo du tourisme, ce qui ne leur laisse pas présager un très bel avenir. 


Candidat numéro 6 et à mon avis le plus légitime pour mériter le poste (et donc, il ne l’aura pas) : Geoffroy de Becdelièvre. Nom absolument moisi, sourire éclatant, mèche impeccable, gros bosseur, sur-mesure et web, ce mec est un génie. Fondateur de Passeport-Chine, il change le nom de sa boite en PlanetVeo, dépense des millions pour acheter de la notoriété, réussit à lever des fonds sur la renommée de sa marque et un soir, complètement ivre, il lance un pari idiot, le perd et… change le nom de sa boite en Manolo et Pepito. Pathétique. Comme dans  le tourisme, on est des loseurs, fonce : sur un malentendu, ton élection comme président du SNAV, ça peut marcher. (le nouveau nom de ta boite, en revanche, n’y compte pas trop…)  

jeudi 16 janvier 2014

Léa n'est pas là pour ajouter une petite touche pro à un voyage de base moisi

Un samedi après-midi plutôt calme chez Big-Boss Voyages : les Parisiens vomissent leurs tripes se remettent tout doucement des excès des réveillons, les boutiques de fringues ont entamé les soldes dites « privées » et les gens n’ont pas comme priorité essentielle de penser à leurs prochaines vacances (c’est dommage parce que là, on peut encore trouver à peu près ce qu’on veut, même pour la première semaine d’août…)

Bref, c’est à ce moment-là qu’arrive un e-mail comme on en reçoit trop souvent :
« Bonjour, nous partons avec ma femme à [=çè$*é&] du 15 au 19 janvier. Je vous contacte aujourd’hui pour acheter l’excursion « marché et cours de cuisine » et les soins du corps que vous proposez sur votre site et qui nous intéressent beaucoup. Nous avons notre vol et notre hôtel sur place. Je vous remercie par avance de votre retour. Bien cordialement »  

Normalement, quand je reçois ce genre de mail, je le mets directement à la poubelle.

Big-Boss Voyages n’a en effet pas vocation à perdre de temps à vendre des bouts de miettes et assurer le dépannage des clients versatiles et opportunistes. Au risque de paraître prétentieuse, ambitieuse ou fière (mes fans rayeront les éventuelles mentions inutiles, mes détracteurs n’en rayeront pas et s’en donneront à cœur-joie), je n’ai pas très envie d’éditer des factures à 180 € (même avec un taux de marge jugé indécent de 25 ou 30% puisque c’est ainsi que chez Big-Boss Voyages, on marge les dossiers sur les destinations où on a une vraie expertise et des prix d’achat défiant toute concurrence).

Comme je l’expliquais ci-dessus, c’était tout calme à l’agence samedi et je me sentais d’humeur badine :

Toi, Monsieur, je vais t’apprendre la vie. Je me suis donc fendue d’un petit mail pour expliquer à ce fâcheux personnage à quoi servait une agence de voyages (monter des voyages) plutôt que de détruire son mail ou de l’envoyer balader « gentiment » : je me suis dit que si on expliquait aux gens qu’on voulait faire respecter notre travail, on y arriverait peut-être... parce que répondre juste « on fait pas » nous assure la question suivante « c’est quoi ces incapables ? ils servent à quoi ? »

Ma réponse, donc :
« Cher Monsieur,
Merci pour votre e-mail et votre intérêt pour Big-Boss Voyages. Me demander cette prestation, c’est comme si vous veniez voir un bijoutier avec une montre récemment achetée ailleurs et que vous lui demandiez de vous vendre une pile. Nous réservons nos petites adresses et expériences inédites à nos clients (= ceux qui nous achètent un séjour). Nous vous invitons à demander au prestataire auquel vous avez acheté votre vol et votre hôtel s’il ne peut pas vous proposer d’excursion(s). Si sa réponse est « non », je vous invite à remettre en cause ses compétences et donc son professionnalisme. Bien à vous ».

En fait, l’image du bijoutier qui vend des montres à plusieurs centaines d’euros mais à qui ce Monsieur achèterait juste une pile n’était peut-être pas la meilleure. Après réflexion, j’aurais plutôt dû prendre celle du restaurateur chez qui il aurait débarqué avec sa bouffe et à qui il aurait demandé un café. J’y penserai la prochaine fois.  

Bref, je lisais récemment une étude magique on où expliquait que le client-voyageur n’était plus multi-canal (définition : qui se sert via plusieurs canaux) mais omni-canal (traduction : qui se sert via tous les canaux). La belle affaire. Comme si je n’avais pas remarqué que (certains de) mes clients arrivaient à l’agence avec leurs vols Easyjet réservés, des brochures prises chez des concurrents et des impressions de pages web.

Bien souvent, dans ce contexte, leur demande, c’est « vous pouvez me dégrossir tout ça ? » et je le fais bien volontiers : expliquer ce qu’il y a de bon et de moins bon dans une destination, montrer au client qu’on a des compétences, attirer son attention sur les pièges à éviter, bâtir un programme équilibré, enchanter le client, c’est un beau métier.    

Les conseillers-voyage de Big-Boss Voyage (et sans doute un peu partout en France) prennent donc ces petites pièces de puzzle, analysent, découpent, réinventent et construisent des voyages complets. Nous n’avons pas en revanche très envie de servir de bouche-trou ou de rustine, voire de réparateur des bêtises des autres…

Pour être complète (et honnête), j’avoue qu’il m’arrive parfois de vendre des prestations par petits bouts : 

c’est le cas quand des compagnies aériennes font des ventes « flash » : Air France et les compagnies du golfe en particulier font ça très bien : « 8 jours pour acheter ; 8 mois pour voyager ». Dans ces cas-là, on bloque les vols, on les encaisse  (souvent seulement partiellement, ce qui permet de montrer au client qu’on n’est pas une machine bornée : « je n’ai pas besoin de tout le paiement : on ne paye la compagnie que le 15 du mois prochain, vous voulez me faire deux chèques ? »), on indique aux clients que « ça, c’est sécurisé » et on les invite à réserver le terrestre rapido « vous savez, plus on réserve tôt, plus on a le choix et plus les tarifs sont intéressants ».

En plus, chez Big-Boss Voyages, dans environ 20 à 30% des cas, les clients achètent leurs vols tous seuls et en plus, ils se justifient : « vous savez Léa, Air France faisait une promo » ou « mes miles allaient expirer ». 

Dans ce cas-là, je souris, mais je me prive rarement d’une petite remarque perfide « ah, zut… vous avez acheté un Paris-Bangkok aller-retour. Moi, je vous aurais proposé un Paris/Bangkok à l’aller et un Phuket/Paris au retour. Mais c’est pas grave : je vais vous arranger ça : je vais être obligée de vous vendre un vol intérieur de plus mais on va vous trouver une solution ». Ne pas hésiter à ajouter « ah oui, les vols pas chers arrivent à l’ancien aéroport de Bangkok alors je vais être obligée de prendre au moins 5 heures de battement pour le changement d’aéroport. Je suis désolée, ça vous mange presque une journée de vacances. Sinon, j’ai bien une autre solution qui arrive à Suvarnabhumi, mais y’a quand même un supplément de 90 €. Qu’est-ce qu’on fait ? ».   

C’est tout l’intérêt de renseigner les profils-clients dans la base CRM de Big-Boss Voyages. 

C’est un peu relou mais on écrit des trucs genre « indiqué au pax NN nous consulter avant achat billets-primes AF. Exp achat vols dom suppl Thai ISO CDGBKK/HTKCDG – Léa 4 JAN  2014 » comme ça, on lui replace l’année suivante « bon, on va bien penser à la façon d’organiser le circuit pour optimiser les temps de trajet et faire une boucle. Je vous montre sur la carte »  

Le truc avec le multi-canal, c’est que j’avoue ne pas traiter de la même façon 
- le client qui m’envoie un e-mail de 3 lignes (surtout quand je vois 50 agences dans la liste dans le champ « destinataires » de l’e-mail) du style « nous cherchons [tel type de voyage], faites-nous des propositions »
- celui qui fait la démarche un peu plus personnelle de décrocher son téléphone (même si il dit « j’ai pas trop de temps pour discuter au téléphone, hein, Mademoiselle… »)  et 
- celui qui pousse la porte de l’agence (celui-là, on peut quand même se dire qu’il est un poil motivé par l’organisation de son voyage)

Samedi, quand j’ai raconté cette anecdote sur facebook, mon statut a été liké 200 fois. Nombre d’agents de voyages m’ont indiqué que j’en avais une belle paire pour avoir osé. Quelques-uns m’ont écrit « moi, j’écris un truc comme ça, je me fais virer ; alors je me contente de le faire comprendre avec des mots choisis, et uniquement à l’oral ». 


Ah oui ? Je suis pourtant certaine que vos patrons vous féliciteraient de ne pas perdre de temps avec ce type de demandes. 

Quelques-uns font remarquer qu’avec la patience de démontrer par A + B sa valeur ajoutée et l’amabilité de vendre une petite presta, ils peuvent tenter de convaincre puis de fidéliser un client. OK. Sur le papier, respect ! Je le fais sans hésiter quand les clients poussent la porte de l’agence, mais pas pour ceux qui envoient (juste) un mail.

Est-ce le début de la fin de mon enthousiasme professionnel ? Suis-je du côté obscur du métier : sans doute suis-je désormais une vieille aigrie, mais je cherche juste à faire respecter mon travail. Je suis une vendeuse, une technicienne, une créatrice, une assembleuse, ce que vous voulez. Mais pas juste une magicienne qui vend une presta quelques dizaine d’euros pour faire en sorte qu’un voyage banal dont 90% du prix a été acheté ailleurs devienne une expérience réussie.   

D’autant plus que ce genre de clients sans scrupule, c’est le premier à te faire des sales après-vente en arguant que le vol était en retard et/ou l’hôtel bruyant / douteux / mal situé etc… (rayez toujours les mentions inutiles). Quand je reçois ce genre de réclamation, je blêmis (surtout que je ne me souviens pas avoir vendu l’hôtel X) et après recherches, je me fais un plaisir de répondre que « chez Big-Boss Voyages, nous opérons une sélection très minutieuse des hébergements avec qui nous travaillons et cet établissement ne fait pas partie de notre catalogue » (et pan, dans ta face…)


samedi 4 janvier 2014

Pourquoi les agences de voyages sont-elles perçues comme ringardes ?

Un samedi soir normal sur la planète. Un petit bar dans le quartier de la Haute-Roquette (à côté de la coloc des princesses), où ma bande a ses habitudes. Quelques verres, des copains de copains qui arrivent et qui s’agrègent à notre petit groupe. Je pétassais babillais avec mes ex-coloc et leur racontais la dernière de l’un de mes clients (mes copines raffolent de mes anecdotes d’agent de voyages).

Une sombre histoire de géographie : un type m’avait demandé un billet « pour Montréal » (je le lui avais vendu) et il était revenu le lendemain parce que je ne lui avais pas posé la question « vous êtes sûr que vous voulez aller à Montréal ? Parce que vous savez, il y a d’autres aéroports au Canada »

Effectivement, le connard type voulait aller à Vancouver mais il pensait que c’était à une heure de route de Montréal (parfois, je me demande ce que les gens faisaient à l’école au lieu d’écouter la maîtresse…)


Et là, une fille que je ne connaissais pas sort sa langue de la bouche de mon pote Vincent et me demande « qu’est-ce que tu fais dans la vie ?
- je suis agent de voyages
- c’est quoi, ce job ? 
- ben… je vends des voyages 
- dans une agence de voyages ?
- ben oui
- ça existe encore, ça ? »


Elle a commencé une longue tirade sur les derniers voyages qu’elle avait organisés toute seule grâce à tripadvisor, à coup de compagnies low cost et de booking.com et à la fin de son discours, elle porta l’estocade finale : « à l’heure internet, [elle disait ça comme si j’avais une tête à dénicher les bons plans que j’allais proposer à mes clients sur 3615 DEGRIF], vous servez à quoi ? C’est quoi la clientèle des agences ? Des vieux qui ne savent pas allumer un ordi ? ».

Je dois avouer qu’une certaine part de notre clientèle, (en particulier celle de Jeff, qui vend des voyages culturel un poil relous à des vieux) ne se renouvelle pas vraiment, mais j’ai décidé de passer sous silence la pyramide des âges de la population de notre base CRM.

J’ai soupiré, enfilé ma cape invisible de super-agent de voyages sauveuse de la profession et je me suis lancée à mon tour dans un long discours à coup d’expertise-produit, de réassurance, de responsabilité et de garantie des fonds déposés, bref… vous connaissez la chanson.

Et bien sûr (vous connaissez aussi cette chanson-là), la fille me balance « c’est bien gentil tout ce que tu racontes, mais sur internet, c’est quand même vachement moins cher ».

On était samedi soir, mais comme j’avais juste un poisson-papillotte, des légumes, une demi-bouteille de Badoit et 2 virgin mojitos dans le ventre (en ce moment, je suis crevée, alors je suis la sobriété incarnée), j’avais toute ma tête et j’étais prête à me battre. J’ai regardé cette fille (et là, je me suis rendue compte qu’elle me ressemblait comme une sœur) et j’ai senti que j’allais craquer. 

On est en décembre et franchement, je n’en peux plus. J’ai juste dit à la fille, « c’est une idée reçue. La prochaine fois que tu veux réserver un voyage, appelle-moi avant de faire n’importe quoi ; Vince te filera mon numéro. Excuse-moi, mais j’ai vraiment besoin d’aller faire pipi ».

J’ai fendu la foule du bar et je ne suis pas allée aux toilettes : je suis sortie, j’ai respiré un grand coup, je sentais l’air frais remplir mes poumons mais pour la première fois depuis longtemps, je me suis sentie mal, très mal.

Dans le bar, les gens parlaient, riaient, s’embrassaient, bref : ils vivaient. Et moi, je me suis sentie à moitié morte. J’étais à deux pas de mon ancienne coloc, je savais que les filles étaient toutes au bar et qu’il n’y avait donc personne « à la maison ». Facile, j’ai encore les clés, j’allais pourvoir me replier  dans la solitude et le silence.

Pour ne pas qu’ils s’inquiètent, j’ai fait un SMS collectif à mes ex-coloc et Nico « trop de bruit. Un peu mal à la tête. Je me pose à la coloc et je reviens dans 15/30 mn. A tout’ ». J’ai traversé la rue, monté les 3 étages et j’ai fondu en larmes.

SMS de Nico « j’arrive ». Moi « non, reste. Back soon ».

J’avais l’impression que la terre avait brusquement arrêté de tourner. Depuis 2004 que je kiffe ma life chez Big-Boss Voyages, je fais mon  job avec passion, je défends mes parts de marché bec et French manucure, je me bats sur chaque dossier, m’applique sur chaque itinéraire, bosse tard et surveille mes queues. Mes clients sont souvent enchantés par mes propositions et fidèles. Je marge mes dossiers selon la politique de Big-Boss, j’ai un taux de transformation de 80%, j’adore mes collègues et l’agence marche bien.

Depuis près de dix ans, je vis dans une boite de rêve. Big-Boss voyages a toujours eu un temps d’avance sur les autres agences : pas de brochure, 80% du CA tourisme en fabrication sur-mesure, devis payants, segmentation clientèle pointue grâce à un CRM de la mort qui tue. 

Belle clientèle, beaux dossiers, Big-Boss voyages se porte comme un charme.

Mais la copine de Vince avait résumé en peu de mots la situation : mon job est devenu has-been. Un jour, quelqu’un a décrété que pour vendre un billet d’avion, prendre 10 € était trop cher. Que pour réserver ses vacances, 3 clics suffisaient et que les agents de voyages étaient inutiles, voire ringard. Que la valeur d’une semaine en Thaïlande, c’était 799 € et que n’importe quelle destination de l’Océan Indien se négociait à 999 €. Que la croisière pouvait devenir mainstream. Que les meilleurs négo étaient sur groupon et que le luxe au meilleur prix, c’était sur voyage-privé et pas ailleurs. Que pour un voyage sur-mesure, rien ne valait les conseils avisés d’un « agent local ». 

Ravis de s’être débrouillés tout seuls et convaincus d’avoir fait une affaire, les candidats au voyage discount sont désenchantés lorsqu’ils se rendent compte qu’ils ne réussissent pas à joindre les call-centres des OTA sur leurs numéros surtaxés (ce qui est quand même bien utile quand il y a un bug), quand ils se retrouvent dans des hôtels pourris (en long-courrier à 799 € TTC la semaine, ils s’attendaient sérieusement à un service 5* ?), quand les excursions coûtent plus cher que la croisière discount, ou que « l’agent local » leur a vendu un truc préfabriqué qui, en fait, ne correspondait pas à ce qu’ils cherchaient (ben non, l’agent local ne peut pas reformuler les attentes d’un client s’il a juste un mail de 4 lignes et qu’il ne possède de toute façon que des rudiments de français).

Avec la copine de Vince, j’avais l’impression d’être Don Quichotte qui se battait contre des moulins. Soyons honnête : on ne voit plus de trentenaires dans les agences de voyages. La génération Y ne pousse plus nos portes. Elle attrape juste une tablette.

Si cette fille s’est étonnée que les agences de voyages existent encore, c’est parce que nous n’avons pas su convaincre la « jeune génération » (la mienne) du bien fondé de notre existence. J’étais là, comme une âme en peine affalée sur le canapé où d’habitude, je glousse avec mes copines, à me lamenter sur le triste sort des agents de voyages.

Alors je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose pour la profession en général. Qui peut faire ce boulot ? A mon humble avis, c’est le rôle du SNAV et de personne d’autre.

A la radio, on entend tout le temps des pubs du genre « le changement d’heure, c’est le moment de changer de montre » (financées par le syndicat des horlogers), « la vaisselle c’est comme la mode : c’est bien quand ça change » (avec les 4 notes insupportables « les aaaaarts de la taaaable »), mais rien pour les agences de voyages. Chacun tire la couverture à soi (Mister Cook, tais-toi… Mango, tu es à peine né que tu m’énerves déjà)          

Au SNAV, plutôt que de se regarder le nombril, on ferait mieux de se bouger le boule.

Chez les têtes de réseau, chacun pourrait mettre la main à la poche pour une contribution exceptionnelle au rayonnement de la profession (ça serait de l’investissement utile, non ?)

Et je suis certaine que les TO auraient plus d’intérêt à financer (partiellement) cette campagne destinée à faire entrer des clients dans les agences plutôt qu’à surenchérir en campagnes google-adwords ou financer à fonds perdus les congrès des réseaux.

Moi, je suis fauchée. Mais si chacun doit mettre un peu de son énergie et de son temps au service du rayonnement de la profession, je suis prête à me sacrifier pour incarner the agent de voyages de la prochaine campagne pour les agences de voyages qui passera à la télé. En maillot de bains derrière mon comptoir… ça devrait suffire pour faire entrer un peu de monde dans les agences…



Forte de cette idée lumineuse (qui ne manquera pas d’arriver sur le bureau de Georges Colson grâce à l’audience de TourMaG.com), je me suis ressaisie et je suis redescendue danser. Et la prochaine fois que je rencontrerai une fille comme Cruella (qui réserve ses vacances sur des compagnies low-cost et booking) elle ne me demandera pas ce que je fais dans la vie, elle me dira juste « je t’ai vue à la télé toi, tu es la nouvelle génération d’agent de voyages ».
Ben oui…  


dimanche 1 décembre 2013

J'ai été vendeuse de fringues en boutique (une journée et ça m'a bien suffit)

Lors de notre dernier meeting « off-site » à Tanger, on a beaucoup bossé sur l'exploitation des masses laborieuses la « gestion des ressources humaines ». Je trouve ce terme tout moisi et franchement, je ne sais pas si j’ai une tête d'esclave de ressource humaine mais il semblerait que si.

Chez Big-Boss voyages, on a tous notre personnalité propre et bien affirmée et on a bien compris qu’on n’était pas interchangeables. Je le disais l’autre jour dans un billet : si on filait le poste de Jeff à Max et vice-versa, on se retrouve dans la journée avec deux belles des crises de nerfs et on transforme deux vendeurs parfaits en brêles : Max est un super pro de la billetterie bavard, plein d’humour et volubile (les chargées de voyages l’adorent) et Jeff une espèce de puits de science racé, poli et flagorneur (ses vieux clients cultureux le surkiffent). Si on échange leurs postes, non seulement on les rend dingues, mais en plus, ils seraient incapables de faire du chiffre.

Dans le cadre de la constante amélioration de notre service au client, Big-Boss a proposé que pendant une journée, chacun d’entre-nous devienne dans une sorte d’épisode de « vis ma vie » tout à fait délicieux ce que nous ne serons jamais.

C’est ainsi que pendant une journée, je me suis retrouvée dans la peau de Sylviane, assistant-manager d’une boutique de fringues dans le Marais dont Big-Boss Voyages gère le budget déplacements. Eh bien, je vais vous dire : je me demande comment je suis sortie vivante de cette épreuve.

Je vous plante le décor : cette boutique fait partie d’un réseau d’un peu plus de 100 magasins d’une enseigne dégueulasse chère et branchée. Elle est pilotée par une fille de 25 ans, Clémentine (off ce jour-là), elle-même assistée de Sylviane (une espèce de bombasse de 28 ans qui a ensuite passé une journée chez Big-Boss Voyages avec moi). Dans l’équipe, il y a aussi Anne-Laure (qu’on appelle « la 35 heures ») et 4 petits temps partiels (étudiants pour la plupart), titulaires de contrats de 12 à 20 heures hebdo, qui se relaient dans la boutique.

Les perspectives d’évolution professionnelle sont bien minces. Au mieux, un(e) « 35 heures » peut passer adjoint(e), un(e) adjoint(e) de magasin de taille moyenne peut devenir responsable d’une boutique de petite taille et une responsable de petite boutique peut prendre la responsabilité d’une plus grande. Vous me direz, dans les agences de voyages, les possibilités d’évolution sont à peu près les mêmes. 

La différence, c’est que dans les boutiques de fringues, il ne faut pas attendre d’avoir des années d’expérience pour être reconnue et prendre du galon : Après 18 mois chez un concurrent, Sylviane est restée 8 mois vendeuse dans une grosse boutique de l’enseigne avant de passer adjointe. Anne-Laure a moins d’un an de boite et on lui a promis qu’elle était première sur le tableau d’avancement. Avantage à la sape par rapport au voyage ; c’est peut-être le seul…

Pour les temps partiels, point de salut. De toute façon, ils ne font que passer… bien rares ce qui restent plus d’une saison. Sur les 4 collègues à temps partiel de Sylviane, le plus ancien est arrivé en mai. Selon les filles, l’explication vient du fait que les salaires sont misérables et les conditions de travail difficiles.

On parlait salaire. Sylviane est payée 2000 € bruts (pour 39 heures hebdo). Selon Sylviane, Clémentine est payée « un peu plus mais pas beaucoup » pour 39 heures aussi. Anne-Laure et les temps partiels sont payés au SMIC horaire.

Le premier truc qui m’a choquée, c’est que nulle part, les vendeurs n’ont d’endroit pour s’asseoir : il n’y a pas de chaise dans la boutique et la seule solution pour poser son cul par terre, c’est d’aller en réserve en sous-sol (sans fenêtre).

Le deuxième truc,  c’est le flicage à outrance : dans cette chaîne, les équipes sont jugées sur deux indices : 1) le chiffre, 2) le taux de concrétisation commerciale. Je vous explique : il y a un compteur sur la porte : un mouchard qui compte le nombre d’entrées dans la boutique. Chaque soir, le siège fait un calcul dégueulasse : une division entre le nombre de visiteurs et le nombre de tickets de caisse édités. Si le rapport est inférieur à 1/8 (1/6 en période de soldes), les filles se font condamner à mort taper sur les doigts. Du coup, certains jours, les vendeurs n’osent même pas prendre de pause (elles vont juste en réserve 5 minutes s’asseoir et/ou manger un petit truc réchauffé à la hâte au micro-ondes) pour éviter qu’une entrée/sortie soit comptabilisée.

Comme si ça ne suffisait pas, elles sont flippées par les clients-mystères (un jour, ça tombe : « Sylviane m’a dit bonjour sans sourire et sans grande conviction » ou « Sylviane a été hautaine avec moi et ne m’a pas proposé la vente d’accessoires »).

Comme si cela ne suffisait pas, des animatrices régionales des ventes débarquent en boutique sans crier gare « alors mesdemoiselles, le chiffre n’a pas  été terrible hier, comment vous l’expliquez ? » (Sylviane a répondu simplement « hier, il pleuvait. Quand il pleut, y’a personne »

Le planning de l’équipe : un cauchemar. Sylviane et Clémentine prennent leurs jours off en alternance : une semaine sur deux le lundi et le jeudi ; une semaine sur deux le mardi et le mercredi (comme ça, elles sont là toutes les deux le week-end). Anne-Laure a le jeudi et le vendredi. Les petits temps partiel sont là essentiellement le week-end. Ça pique. (avantage, comme ça, ils peuvent aller à la fac le reste du temps)

Ce qui m’a le plus étonnée :  « vendeuse de fringues », c’est pas seulement dire « bonjour », « vous faites quelle taille ? un petit 38 ? » (à des clientes qui font du 42) « ça vous va super bien » et replier les fringues que les clientes ont mis dans tous les sens. Ben non, parce que…

1)      une ou deux fois par semaine, on reçoit le « réassort » : c’est des gros cartons avec plein de fringues dedans (les filles disent « la came »). Il faut ouvrir les cartons, sortir les fringues des plastiques, prendre une espèce de pistolet pour scanner les étiquettes ce qui permet d’entrer les fringues dans le stock et mettre le prix sur chaque fringue (un cauchemar). Si le carton reste en réserve (ce qui arrive bien souvent), c’est comme la came n’existait pas. En fait quand une vendeuse dit « on va recevoir du stock », une fois sur deux, le stock est déjà là mais pas ouvert/scanné/étiqueté…  

2)      le mardi, elles sont 2 à commencer à 8h pour « faire le merch » : le merch, c’est en gros, tout mettre en l’air dans la vitrine et la boutique pour renouveler l’offre (et pas n’importe comment : c’est les gens du marketing qui envoient les modes d’emploi le lundi en fonction de paramètres incompréhensibles)

3)      les temps partiels sont là pour « aider les plein-temps à faire du chiffre » : ce sont eux qui font des aller-retours en réserve pour chercher le t-shirt à 59 € dans la bonne taille et le bon coloris (by the way, les drogués gens de la prod’ ont inventé des noms pour chaque couleur. Par exemple, on ne dit pas « gris » mais « souriceau » ; l’an dernier, « éléphant », c’était exactement la même couleur)

4)      il faut aussi surveiller que les gens ne piquent pas dans la boutique. Les vendeurs ont toujours un œil sur les présentoirs, les cabines et le reste…

5)      les gens négocient : « j’ai pris 3 articles, vous m’offrez quoi ? ». Dans l’enseigne de Sylviane, on ne pratique pas la réduc’ sauvage ; c’est comme ça. Une cliente qui a passé 30 minutes et a choisi 4 articles peut tout planter si elle est contrariée qu’on lui refuse un geste.  

6)      Toute la journée, y’a des gens qui défilent dans la boutique : des voisins qui veulent de la monnaie, des gens qui veulent déposer des CV, des gens qui ont perdu un animal ou… des gens qui ont une terrible envie d’aller aux toilettes…

Sinon, j’ai-je appris de cette journée ? Que les gens sont mal élevés (ils ne disent ni « bonjour », ni « merci »), qu’ils n’ont aucune considération pour les vendeuses, qu’ils sont sales (beurk, les petites odeurs aigres-douces qui s’exhalent des cabines…) et exhibitionnistes.

Bref, j’ai repris avec bonheur au lendemain de cette journée mon job de manager intermédiaire, vendeuse de rêves assise, climatologue, psy, géographe et juriste bien contente de ne pas être une vendeuse de fringues, experte en couleurs et en bon goût, manutentionnaire, crevée d’être debout, aux 5 sens agressés par des client(e)s moches et malodorants en sous-vêtement douteux qui s’expriment mal.

Et puis, avec Sylviane, je me suis fait une nouvelle copine... et puis grâce à elle, je peux vous donner des conseils-mode...
               

samedi 19 octobre 2013

Léa était en meeting off-site ; elle te raconte

Le week-end après Top Resa, Bib-Boss et ses trois drôles des dames cadrettes étions en « meeting off-site » pour parler de la pluie et du beau temps la stratégie de l’agence, de CRM, de segmentation et de différenciation produits. On a aussi parlé de gestion des RH et ça s’est terminé par la mort cruelle d’Elisabeth, dont on n’a d’ailleurs pas de nouvelle depuis 15 jours.

Big-Boss nous avait demandé de prendre nos passeports. Du coup, ça a fait un peu teasing… Je me demandais bien où on allait partir et je rêvais de Turquie.

Bref, comme d’habitude avec Big-Boss (qui est gentil mais un peu prévisible…), on s’est retrouvés au Maroc. Je ne vais pas me plaindre : j’adore le Maroc. Cette fois-ci, c’était Tanger, où je n’étais allée qu’une fois. Je ne voudrais pas avoir l’air de faire l’article, mais quand même… soleil, mer, salpêtre, indolence et poisson grillé, c’est du bonheur. Il faisait 30 degrés et de temps en temps, je regardais la météo de Paris. J’ai bien pensé à vous.

On a parlé organisation, stratégie clients, CRM, prix, méthodes et c’était vachement bien. En fait, je ne suis pas adepte des réunions mais quand on a le temps de se poser et qu’on a un ordre du jour assez souple, c’est vraiment bien.

Je vous résume les marges du premier semestre 2013 : + 6,4% vs le premier semestre 2012. 

Le volume d’affaires est en augmentation de 6,7% ; on a donc « préservé nos marges ». Satisfaction. Pas de quoi se taper le cul par terre en chantant l’internationale, mais ça va. Pour 2013, on fait notre compta analytique « les 2 points de vente confondus » mais en 2014, on comparera avec les chiffres de 2013 par point de vente (en réaffectant les chiffres de Sonia, Max, Isa, Big-Boss et Melody sur le « nouveau point de vente » même s’il n’existait pas encore, ce qui promet un joyeux bordel).

Par gros poste, ça fait FIT : 62%, TO : 17%, Billetterie : 11%, Groupes : 10%. Basiquement, c’est le FIT qui tire la croissance. (parfois, je parle vraiment comme Big-Boss et ça me fait peur)


Top 10 destinations de l’hiver 2012/2013 : Maurice, Maroc, Thaïlande, Kenya, Espagne, France, Tanzanie, Italie, Maldives, Cuba. C’est dire si l’hiver n’a pas été révolutionnaire : il y a très peu de modification par rapport à l’hiver 2011/2102.  


Top 10 destinations de l’été 2013 : Espagne, Indonésie, France, Italie, Maroc, Croatie, Kenya, Canada, Tunisie, USA.  Là, ça a été sérieusement chamboulé. En résumé, on n’arrive plus à vendre les USA à cause d’internet et la Tunisie dévisse grave.   

Sonia a demandé comment l’Italie pouvait être « seulement 4ème » et la Croatie derrière le Maroc alors qu’on avait vendu la Sicile, la Sardaigne et la Croatie comme des petits pains tout l’été et qu’on avait l’impression de ramer sur le Maroc.

Big-Boss nous a rappelé que la référence de l’agence, c’était la marge. Il a ressorti son discours sur « la TVA sur marge dans l’UE qui plombe nos résultats sur l’Europe » (là, j’ai essayé d’avoir l’air le plus impassible possible parce que je n’ai toujours pas compris cette histoire). Il nous a aussi rappelé qu’on margeait beaucoup plus sur le Maroc que sur l’Europe (tu m’étonnes : notre réceptif lui mange dans la main, et nous, on lui tond la laine sur le dos, et après Big-Boss parle « équitable »…)

Pas fayote pour deux ronds, Isa a enlevé et réajusté ses lunettes et fait la meuf qui maîtrise tout : « tu devrais ressortir les matrices de pilotage : ça sera plus parlant pour les filles ». (genre, elle est supérieure à nous, elle sait tout et elle n’a pas besoin des chiffres).

Big-Boss frétillait de pouvoir nous montrer ses cochonneries de « matrices » (c’est juste des tableaux excel, hein…). Du coup, on s’est éternisés sur les taux de marge par destination. J’ai écarquillé mes  grands yeux (comme si ça allait me permettre de lire les caractères 6 des tableaux excel) pour m’apercevoir qu’on margeait à plus de 30% sur le Maroc et qu’on arrivait à peine à 20% sur l’Espagne, l’Italie et la Croatie.

J’ai repensé qu’avec les TO, on gagnait genre 13% sur le long-courrier et 11% sur l’Europe et ça m’a rassurée sur notre stratégie (comme si j’en avais besoin…)

Je ne vais pas vous faire 10 pages sur les matrices de pilotage de Big-Boss parce qu’à la fin, on a dit que c’était rien que des chiffres et que ce qui était important, c’est ce qu’on allait proposer à nos clients adorés. Ben alors, pourquoi tu t’embêtes à les remplir tes fucking-tableaux ?

On a été d’accord pour dire que la grande nouvelle de l’année, c’était l’ouverture du nouveau point de vente. Je ne voudrais pas avoir l’air de faire ma maligne mais quand même… le gros intérêt de l’ouverture de cette nouvelle agence, c’est que notre agence historique est montée en gamme.

En fait, c’était le gros truc de Big-Boss : la segmentation clients. Notre agence historique, c’est la crème de la crème à qui le client est fier de s’adresser « parce qu’on n’y fait que des choses bien ». L’agence low-cost, c’est « le bon plan, l’hôtel marrant et un peu décalé (et pas mainstream pour deux ronds) conseillé avec humour par des petits jeunes vraiment sympa » (mais qui bénéficient de l’expérience de Big-Boss et Isa, qui, sous des airs un peu austères ont de l’expérience). Quand on sait que vend la même chose dans les deux agences, je trouve le coup de bluff assez canon

Je résume : on n’est plus que 4 (bientôt 5) dans notre belle agence haut de gamme : 

- Amandine, Coralie et moi, qui sommes un peu les piliers du comptoir (tu as compris pourquoi c’est drôle où tu as besoin d’une explication de texte ?)
- Jeff (quand il n’est pas en accompagnement),
- le petit Olivier qui est arrivé chez nous en contrat de professionnalisation et dont j’ai un peu l’impression d’être la mère. (je premier qui dit « cougar » ou « MILF », je l’étrangle parce qu’il aura tout compris).  


Big-Boss pose la question qui tue : « qu’est-ce qui a changé pour vous depuis qu’on a ouvert le deuxième point de vente ? » J’ai expliqué que depuis qu’on a plus les babillements de Max et le téléphone qui clignote dans tous les sens, on est bien plus au calme pour travailler.

C’est vrai qu’à l’agence, on a de l’espace, peu de passage et qu’on peut vraiment prendre de temps d’examiner les projets de nos clients. Je ne l’ai pas dit, mais ce calme, ça me ramollit un peu.

Avant, à 7 dans un si petit espace, c’était plus vivable. « Depuis qu’on est 3, on revit ». Big-Boss m’a rappelé  qu’on était 5. J’ai rétorqué que je n’avais vu Olivier qu’en entretien, et perfidement, j’ai ajouté qu’ « en étant ouverts 5 jours ½ par semaine avec des vendeurs jamais là, on est plus souvent 3 que 4 et que d’ailleurs, je ne me souviens pas qu’on ait été 5 un jour ici depuis l’ouverture de l’autre agence, même avant que nous ne m’embarquiez Melody » (et toc…).

Bref, avec cette intimité, les clients se sentent chouchoutés et que du coup, on a augmenté le panier moyen. Big-Boss a précisé que du coup, les charges de loyer, tout ça… je l’ai coupé en disant « moi, je m’occupe de mon chiffre : je n’ai aucun pouvoir sur le loyer ».

On a reparlé de l’amplitude horaire : Big-Boss voulait vraiment qu’on ouvre à nouveau jusqu’à 20h « au moins l’hiver » et moi, j’ai plus très envie de rentrer chez moi aussi tard…
J’ai insisté sur le fait que 10h/19h en semaine et 12h/18h le samedi, ça fait déjà 51 heures par semaine et c’est déjà beaucoup pour une si petite équipe.

Big-Boss a essayé de me convaincre  qu’on était 5. J’ai pris mon air exaspéré, j’ai rappelé que Coralie était à 80% (elle ne bosse pas le mercredi parce que trouver une nounou le mercredi, c’est compliqué…), Olivier à 60% (parce qu’il est à l’école le lundi et le mardi) et Jeff pas beaucoup plus puisqu’il est sans arrêt en accompagnement. J’ai dit « on est 3 ½ au grand max et je ne me refais pas un hiver comme l’année dernière ». Comme Big-Boss aime les gens « force de proposition », j’ai sorti un magnifique tableau avec plusieurs projets d’organisation du temps, faits uniquement pour prouver que ça n’était pas possible.

Ça a marché : non seulement, l’agence reste sur 10h/19h en semaine mais en plus, on ne fait plus que 13h/18h le samedi. Je vous passe les détails mais voilà : perso, je fais soit 10h/19h soit 11h/19h du mardi au vendredi et 13h/18h le samedi (et un lundi après-midi sur deux). A la fin, je reste à 42h par semaine (dont 7 payées en heures supp') et je me préserve du temps le matin pour aller à la gym ou faire les trucs relou qu’on ne peut pas faire tranquillement quand on travaille. 

A l’agence low-cost, c’est 9/18 point. Et le samedi matin de  9 à 13. Comme ça, il y a toujours une agence ouverte dans la rue toute la journée le samedi. Ça évite que la clientèle de quartier aille trop sur le web « parce qu’on est fermés ».

Même chose pour le marketing : on a une base de données commune pour les 2 agences et on va communiquer deux fois plus : au moins 2 fois par mois pour chacun des points de vente avec une communication différente par marque. J’ai dit que j’avais peur que le client soit un peu perdu mais Big-Boss a dit que c’était pour « occuper le terrain ».

Et on a défini commun on allait s’adresser  aux clients en fonction de la marque utilisée. Mon Big-Boss, quand il actionne le côté marketing de son cerveau, c’est  vraiment une bombe. Surtout qu’il associe son middle-management. Je ne sais pas si j’ai une tête de middle-manager, mais je suis revenue gonflée et sur-motivée de ces 3 jours à Tanger. 

Et en plus, il paraît que j’ai bronzé.  



mardi 8 octobre 2013

On a perdu Elisabeth, l'agent de voyages mainstream (qui pue)

Je vous disais l’autre jour, que Bib-Boss nous emmenait (Isa, Sonia et moi) en « meeting off-site » pour parler de la stratégie de l’agence. Tout ça, je vous le raconterai à l’occasion, plutôt à ce moment-là, quand on aura le temps.

On a en effet parlé de plein de trucs et ça mérite un billet entier. Là, je vais juste vous expliquer la stratégie RH de Big-Boss.


Je passe rapido sur les trucs de base : 

- on prend des contrats de qualif’ un an ou deux pour les former à nos méthodes (c’est plus facile avec des cerveaux jeunes et malléables qu’avec des gens qui ont 10 ans d’habitudes prises ailleurs)

- on « paye la responsabilité ». Là, j’ai cru que ça voulait dire que la chef d’agence de l’agence historique qui n’a plus Big-Boss et Isa sur le dos allait être augmentée, mais non : ça veut dire qu’on n’est pas augmenté tant qu’on n’a pas de nouvelles responsabilités. 


- on rémunère à la performance. Traduction : on touche des commissions sur ce qu’on vend (à condition de marger à plus de 20%). Si tu ne me connaissais pas il y a 2 ans ½, je l’explique ici : 

- on essaie de mettre les gens là où ils seront à la fois bons et heureux dans leur job. Genre, on demande à Jeff de vendre des voyages culturels aux vieux et à Max de vendre des city-breaks dans des villes branchées. Tu ne connais pas bien Jeff et Max mais je te garantis que si ils se remplaçaient l’un l’autre 1) ils deviennent fous en 24h, 2) leur chiffre va dévisser en un rien de temps.     


Je résume : on n’est plus que 4 (bientôt 5) dans notre belle agence haut de gamme : 
- Jeff (quand il n’est pas en accompagnement)
- le so sexy jeune petit Olivier qui allait arriver chez nous en contrat de professionnalisation (on en reparlera… mais je peux déjà vous dire qu’il est mignon comme tout). 
- Coralie (avec les photos de ses gnomes en économiseur d’écran, ça devrait être interdit par la Convention de Varsovie ce genre de truc)   
- Amandine et moi 

Dans cette agence « haut de gamme », on est heureux comme tout, l’ambiance est zen, on a des espèces de coins rien qu’à nous pour recevoir les gens en toute confidentialité (Big-Boss dit « concrétiser un projet dans un corner en face-to-face »), bref : du bonheur. 

A l’agence low-cost, Sonia nous explique qu’elle a au contraire un problème de bruit et donc, de concentration. C’est vrai que c’est un poil compliqué : Big-Boss a voulu faire une agence fun et techno. Que les murs soient peints de toutes les couleurs, à la rigueur (tribute to Valérie Damidot). Qu’il y ait des écrans plasma partout, OK depuis qu’ils ont coupé le son… mais que Max et les filles aient un demi-casque sans fil sur la tête toute la journée avec micro intégré, c’est dur : ça appuie sur les oreilles et le son est vraiment proche du tympan.

Big-Boss voulait qu’il y ait du mouvement à l’agence. Il est servi parce que Max et Sonia font des espèces de chorégraphies au téléphone quand ils n’ont pas besoin de taper sur leur ordi.  

Max adore son casque-micro parce qu’il a l’impression d’être cette biatch de Britney en concert. Le matin, à peine arrivé, il pose son casque autour de ses épis et il hurle un truc genre « good morning Pariiiiis, I’m Britney and I love you » avant d’esquisser un petit pas de danse. Ça met certes une bonne humeur mais le truc, c’est que du coup, Max et les filles parlent super fort sous prétexte qu’ils ont un micro.

Melody est douce et mignonne, ça va : ça donne juste aux clients l’air qu’elle a un peu d’assurance. 

Sonia s’adapte à tout (elle explique que « travailler a toujours été un plaisir [pour elle] mais que là, elle s’amuse encore plus qu’avant » mais elle se plaint d’acouphènes et de maux de tête).

Le problème (Sonia s’est raclé la gorge…), c’est Elisabeth. « je suis désolée de le présenter comme ça mais elle est source de tensions. Elisabeth a un vrrrrrai talent de vendeuse [c’est moi qui avais soufflé cette expression à Sonia : toujours faire un petit compliment avant de porter l’estocade] mais vraiment [attention, elle prépare ses armes], je trouve que la façon de vendre d’Elisabeth n’est pas conforme à ce que nous voulons faire de l’agence » [dans ta face].

Là, Sonia a baissé les yeux (on aurait été au cinéma, elle aurait eu un grand prix d’interprétation) et elle a joué la victime « j’étais vraiment fière que vous m’ayez promue responsable du comptoir de la nouvelle agence, mais je crois que je ne suis pas prête à assumer des tâches de management ». Je voyais bien qu’elle se concentrait pour imaginer des choses tristes mais elle n’a pas réussi à pleurer.

Sonia a rappelé les valeurs et les promesses du point de vente : flexibilité, efficacité, rapidité, packages dynamiques : quelque chose de moderne, techno, digital et marrant. Big-Boss et Isa opinaient et là, Sonia a dégagé l’arme fatale :

« je ne sais pas comment le verbaliser » [tu parles, on choisissait « les mots pour le dire » depuis 4 mois] mais la façon de vendre d’Elisabeth, c’est un peu comme si on reprenait des vieilles méthodes et qu’on saupoudrait de modernité. Un peu comme un vieil hôtel un peu décati dont on referait les salles de bain pour mettre des douches à jet pour lui donner l’air branché mais sans refaire la plomberie  : ça peut faire illusion 5 minutes, mais ça prend pas. Vous voyez ce que je veux dire ? »

Isa et Big-Boss étaient sciés. Je me mordais les joues pour ne pas rire. Il y a eu quelques interminables secondes de blanc. Sonia a (enfin) fondu en larmes « je ne sais pas si je suis méchante ou si je suis un mauvais manager. Je m’en veux tellement […] c’était plus simple pour moi quand je travaillais avec Léa. Je suis désolée de ne pas être à la hauteur. »   


Sonia me lançait des regards désespérés. On n’avait pas prévu que Big-Boss ne rebondisse pas immédiatement. Je suis arrivée à la rescousse et j’ai sorti le grand jeu et j’ai rappelé les bases : 


- qu’on voulait faire dans ce point de vente du haut de gamme moderne distribué autrement pour acquérir une nouvelle clientèle


- qu’effectivement, Elisabeth avait de vieilles habitudes, qu’elle citait sans arrêt les marques des fournisseurs et que ça allait contre notre stratégie de différentiation [toujours parler comme Big-Boss, il adore], 


- que mon rôle n’avait été que de la former à nos méthodes de travail et que je la trouvais vraiment résistante au changement, 


- que je ne la trouvais pas très moderne, « et c’est un euphémisme » (dans ta face, bitch),

- qu’il fallait qu’on assume que Big-Boss Voyages était une boite super atypique et qu’on ne pouvait peut-être pas assimiler des personnalités fortes qui refusaient de s’effacer derrière les méthodes et les valeurs de l’agence.

Big-Boss regardait ses pieds. Et puis, il a demandé « Sonia, si on ne garde pas Elisabeth, tu peux t ‘en sortir avec une personne de moins pendant quelque temps ? »

C’est Isa qui a répondu : « Mélody est super efficace et j’assumerai les sociétés avec Max le temps qu’il faudra pour que Sonia puisse se consacrer à plein de temps à la clientèle de passage. C’est à Sonia d’incarner le style de la nouvelle agence. Si elle juge qu’Elisabeth ne correspond pas à notre image, on doit lui faire confiance ».


Big-Boss a conclu : « Sonia, tu as toute ma confiance. Elisabeth n’est là que depuis 4 mois. sa période d’essai est terminée. Bon. On ne va peut-être pas respecter à la lettre le code du travail mais ça ne nous coûtera pas bien cher de s’en séparer. Sonia, je te laisse le choix : 
- soit tu lui donnes encore un mois pour respecter les méthodes que tu as définies et que Max, Melody et toi assumez parfaitement,
- soit tu décides aujourd’hui qu’on doit mettre fin à son contrat de travail. »

Sonia s’est redressée, a promis de s’affirmer dans son poste et parler à Elisabeth dès le lundi. Ce qu’elle a fait (certes un peu sèchement).

Dans la foulée de cette « petite mise au point », Elisabeth est allée se plaindre à Big-Boss que Sonia prenait la grosse tête et qu’elle se mettait à lui donner des ordres. Big-Boss est resté très calme et a expliqué à Elisabeth que c’était Sonia qui gérait le comptoir et que si elle donnait des ordres, c’est parce que Big-Boss lui avait laissé carte blanche.

Elisabeth s’est étranglée et a réclamé de venir bosser avec moi dans l’agence historique. Et là, Big-Boss a ri « Elisabeth, mon petit, vous n’avez pas le profil pour le haut de gamme ». Elle est devenue toute rouge, a poussé des cris stridents, récupéré sa besace et est partie en claquant la porte. La réaction de Big-Boss n'était sans doute pas prédite par son horoscope.   

Comme on ne l’a pas revue depuis, Big-Boss lui a envoyé un recommandé pour « abandon de poste ». A mon avis, on ne va pas la revoir de sitôt.