Un samedi après-midi plutôt calme
chez Big-Boss Voyages : les Parisiens vomissent leurs tripes se remettent tout doucement des
excès des réveillons, les boutiques de fringues ont entamé les soldes dites « privées »
et les gens n’ont pas comme priorité essentielle de penser à leurs prochaines
vacances (c’est dommage parce que là, on
peut encore trouver à peu près ce qu’on veut, même pour la première semaine
d’août…)
Bref, c’est à ce moment-là
qu’arrive un e-mail comme on en reçoit trop souvent :
« Bonjour, nous partons avec
ma femme à [=çè$*é&] du 15 au 19 janvier. Je vous contacte aujourd’hui pour
acheter l’excursion « marché et cours de cuisine » et les soins du corps que vous proposez sur
votre site et qui nous intéressent beaucoup. Nous avons notre vol et notre
hôtel sur place. Je vous remercie par avance de votre retour. Bien
cordialement »
Normalement, quand je reçois ce
genre de mail, je le mets directement à la poubelle.
Big-Boss Voyages n’a en effet pas
vocation à perdre de temps à vendre des bouts de miettes et assurer le
dépannage des clients versatiles et opportunistes. Au risque de paraître
prétentieuse, ambitieuse ou fière (mes
fans rayeront les éventuelles mentions inutiles, mes détracteurs n’en rayeront
pas et s’en donneront à cœur-joie), je n’ai pas très envie d’éditer des
factures à 180 € (même avec un taux de
marge jugé indécent de 25 ou 30% puisque c’est ainsi que chez Big-Boss Voyages,
on marge les dossiers sur les destinations où on a une vraie expertise et des
prix d’achat défiant toute concurrence).
Comme je l’expliquais ci-dessus,
c’était tout calme à l’agence samedi et je me sentais d’humeur badine :
Toi,
Monsieur, je vais t’apprendre la vie. Je me suis donc fendue d’un petit mail
pour expliquer à ce fâcheux personnage à quoi servait une agence de voyages (monter
des voyages) plutôt que de détruire son mail ou de l’envoyer balader « gentiment » :
je me suis dit que si on expliquait aux gens qu’on voulait faire respecter
notre travail, on y arriverait peut-être... parce que répondre juste « on
fait pas » nous assure la question suivante « c’est quoi ces incapables ?
ils servent à quoi ? »
Ma réponse, donc :
« Cher Monsieur,
Merci pour votre e-mail et votre intérêt
pour Big-Boss Voyages. Me demander cette prestation, c’est comme si vous veniez
voir un bijoutier avec une montre récemment achetée ailleurs et que vous lui
demandiez de vous vendre une pile. Nous réservons nos petites adresses et
expériences inédites à nos clients (= ceux qui nous achètent un séjour). Nous vous invitons à demander au
prestataire auquel vous avez acheté votre vol et votre hôtel s’il ne peut pas
vous proposer d’excursion(s). Si sa réponse est « non », je vous
invite à remettre en cause ses compétences et donc son professionnalisme. Bien
à vous ».
En fait, l’image du bijoutier qui vend des montres à
plusieurs centaines d’euros mais à qui ce Monsieur achèterait juste une pile
n’était peut-être pas la meilleure. Après réflexion, j’aurais plutôt dû prendre
celle du restaurateur chez qui il aurait débarqué avec sa bouffe et à qui il
aurait demandé un café. J’y penserai la prochaine fois.
Bref, je lisais récemment une
étude magique on où expliquait que le client-voyageur n’était plus multi-canal (définition : qui se sert via plusieurs
canaux) mais omni-canal (traduction :
qui se sert via tous les canaux). La belle affaire. Comme si je n’avais pas
remarqué que (certains de) mes clients arrivaient à l’agence avec leurs vols
Easyjet réservés, des brochures prises chez des concurrents et des impressions
de pages web.
Bien souvent, dans ce contexte,
leur demande, c’est « vous pouvez me dégrossir tout ça ? » et je le
fais bien volontiers : expliquer ce qu’il y a de bon et de moins bon dans
une destination, montrer au client qu’on a des compétences, attirer son attention
sur les pièges à éviter, bâtir un programme équilibré, enchanter le client,
c’est un beau métier.
Les conseillers-voyage de Big-Boss
Voyage (et sans doute un peu partout en
France) prennent donc ces petites pièces de puzzle, analysent, découpent, réinventent
et construisent des voyages complets. Nous n’avons pas en revanche très envie
de servir de bouche-trou ou de rustine, voire de réparateur des bêtises des
autres…
Pour être complète (et honnête),
j’avoue qu’il m’arrive parfois de vendre des prestations par petits
bouts :
c’est le cas quand des compagnies aériennes font des ventes « flash » : Air France et
les compagnies du golfe en particulier font ça très bien : « 8
jours pour acheter ; 8 mois pour voyager ». Dans ces cas-là,
on bloque les vols, on les encaisse (souvent seulement partiellement, ce qui
permet de montrer au client qu’on n’est pas une machine bornée : « je n’ai pas besoin de tout le
paiement : on ne paye la compagnie que le 15 du mois prochain, vous voulez
me faire deux chèques ? »), on indique aux clients que « ça,
c’est sécurisé » et on les invite à réserver le terrestre rapido « vous
savez, plus on réserve tôt, plus on a le choix et plus les tarifs sont
intéressants ».
En plus, chez Big-Boss Voyages,
dans environ 20 à 30% des cas, les clients achètent leurs vols tous seuls et en
plus, ils se justifient : « vous savez Léa, Air France faisait
une promo » ou « mes miles allaient expirer ».
Dans
ce cas-là, je souris, mais je me prive rarement d’une petite remarque perfide « ah,
zut… vous avez acheté un Paris-Bangkok aller-retour. Moi, je vous aurais
proposé un Paris/Bangkok à l’aller et un Phuket/Paris au retour. Mais c’est pas
grave : je vais vous arranger ça : je vais être obligée de vous
vendre un vol intérieur de plus mais on va vous trouver une solution ».
Ne pas hésiter à ajouter « ah oui, les vols pas chers arrivent à
l’ancien aéroport de Bangkok alors je vais être obligée de prendre au moins 5
heures de battement pour le changement d’aéroport. Je suis désolée, ça vous
mange presque une journée de vacances. Sinon, j’ai bien une autre solution qui
arrive à Suvarnabhumi, mais y’a quand même un supplément de 90 €. Qu’est-ce
qu’on fait ? ».
C’est tout l’intérêt de
renseigner les profils-clients dans la base CRM de Big-Boss Voyages.
C’est un
peu relou mais on écrit des trucs genre « indiqué au pax NN nous consulter
avant achat billets-primes AF. Exp achat vols dom suppl Thai ISO CDGBKK/HTKCDG
– Léa 4 JAN 2014 » comme ça, on lui
replace l’année suivante « bon, on va bien penser à la façon
d’organiser le circuit pour optimiser les temps de trajet et faire une boucle.
Je vous montre sur la carte »
Le truc avec le multi-canal,
c’est que j’avoue ne pas traiter de la même façon
- le client qui m’envoie un
e-mail de 3 lignes (surtout quand je vois
50 agences dans la liste dans le champ « destinataires » de l’e-mail)
du style « nous cherchons [tel type de voyage], faites-nous des
propositions »,
- celui qui fait la démarche un peu plus personnelle
de décrocher son téléphone (même si il
dit « j’ai pas trop de temps pour
discuter au téléphone, hein, Mademoiselle… ») et
- celui qui pousse la porte de l’agence (celui-là, on peut quand même se dire qu’il
est un poil motivé par l’organisation de son voyage)
Samedi, quand j’ai raconté cette
anecdote sur facebook, mon statut a été liké
200 fois. Nombre d’agents de voyages m’ont indiqué que j’en avais une belle
paire pour avoir osé. Quelques-uns m’ont écrit « moi, j’écris un truc comme
ça, je me fais virer ; alors je me contente de le faire comprendre avec
des mots choisis, et uniquement à l’oral ».
Ah oui ? Je suis pourtant
certaine que vos patrons vous féliciteraient de ne pas perdre de temps avec ce
type de demandes.
Quelques-uns font remarquer
qu’avec la patience de démontrer par A + B sa valeur ajoutée et l’amabilité de
vendre une petite presta, ils peuvent tenter de convaincre puis de fidéliser un
client. OK. Sur le papier, respect ! Je le fais sans hésiter quand les
clients poussent la porte de l’agence, mais pas pour ceux qui envoient (juste)
un mail.
Est-ce le début de la fin de mon
enthousiasme professionnel ? Suis-je du côté obscur du métier : sans
doute suis-je désormais une vieille aigrie, mais je cherche juste à faire
respecter mon travail. Je suis une vendeuse, une technicienne, une créatrice,
une assembleuse, ce que vous voulez. Mais pas juste une magicienne qui vend une
presta quelques dizaine d’euros pour faire en sorte qu’un voyage banal dont 90%
du prix a été acheté ailleurs devienne une expérience réussie.
D’autant plus que ce genre de
clients sans scrupule, c’est le premier à te faire des sales après-vente en
arguant que le vol était en retard et/ou l’hôtel bruyant / douteux / mal situé
etc… (rayez toujours les mentions
inutiles). Quand je reçois ce genre de réclamation, je blêmis (surtout que je ne me souviens pas avoir
vendu l’hôtel X) et après recherches, je me fais un plaisir de répondre que
« chez
Big-Boss Voyages, nous opérons une sélection très minutieuse des hébergements
avec qui nous travaillons et cet établissement ne fait pas partie de notre
catalogue » (et pan, dans ta
face…)
Le professionnalisme est toujours gagnant dans ce genre de situations et les mauvais acheteurs méritent la galère. Une agence de voyage sérieuse fait exactement une démarche comme la votre.
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