Je vous disais l’autre jour, que Bib-Boss nous emmenait (Isa, Sonia et moi) en « meeting
off-site » pour parler de la stratégie de l’agence. Tout ça, je
vous le raconterai à l’occasion, plutôt à ce moment-là, quand on aura le temps.
On a en effet parlé de plein de trucs et ça mérite un billet
entier. Là, je vais juste vous expliquer la stratégie RH de Big-Boss.
Je passe rapido sur les trucs de base :
- on prend des contrats de qualif’ un an ou deux pour les former à nos méthodes (c’est plus facile avec des
cerveaux jeunes et malléables qu’avec des gens qui ont 10 ans d’habitudes
prises ailleurs)
- on « paye la responsabilité ». Là, j’ai cru que ça
voulait dire que la chef d’agence de l’agence historique qui n’a plus Big-Boss
et Isa sur le dos allait être augmentée, mais non : ça veut dire qu’on
n’est pas augmenté tant qu’on n’a pas de nouvelles responsabilités.
- on rémunère à la performance. Traduction : on touche des commissions sur
ce qu’on vend (à condition de marger à
plus de 20%). Si tu ne me connaissais pas il y a 2 ans ½, je l’explique
ici :
- on essaie de mettre les gens là où ils seront à la fois bons et heureux dans
leur job. Genre, on demande à Jeff de vendre des voyages culturels aux vieux et
à Max de vendre des city-breaks dans des villes branchées. Tu ne connais pas
bien Jeff et Max mais je te garantis que si ils se remplaçaient l’un l’autre 1)
ils deviennent fous en 24h, 2) leur chiffre va dévisser en un rien de temps.
Je résume : on n’est plus que 4 (bientôt 5) dans notre belle agence haut de gamme :
- Jeff (quand il n’est pas en
accompagnement)
- le so sexy jeune petit Olivier qui allait arriver chez nous en contrat de
professionnalisation (on en reparlera…
mais je peux déjà vous dire qu’il est mignon comme tout).
- Coralie (avec les photos de ses
gnomes en économiseur d’écran, ça devrait être interdit par la Convention de Varsovie ce genre de truc)
- Amandine et moi
Dans cette agence « haut de gamme », on est heureux comme tout,
l’ambiance est zen, on a des espèces de coins rien qu’à nous pour recevoir les
gens en toute confidentialité (Big-Boss
dit « concrétiser un projet dans un
corner en face-to-face »), bref : du bonheur.
A l’agence low-cost, Sonia nous explique qu’elle a au
contraire un problème de bruit et donc, de concentration. C’est vrai que c’est un
poil compliqué : Big-Boss a voulu faire une agence fun et techno. Que les
murs soient peints de toutes les couleurs, à la rigueur (tribute to Valérie Damidot). Qu’il y ait des écrans
plasma partout, OK depuis qu’ils ont coupé le son… mais que Max et les filles aient
un demi-casque sans fil sur la tête toute la journée avec micro intégré, c’est
dur : ça appuie sur les oreilles et le son est vraiment proche du tympan.
Big-Boss voulait qu’il y ait du mouvement à l’agence. Il est
servi parce que Max et Sonia font des
espèces de chorégraphies au téléphone quand ils n’ont pas besoin de taper
sur leur ordi.
Max adore son casque-micro parce qu’il a l’impression d’être cette biatch de Britney en concert. Le matin, à peine arrivé, il pose son casque autour de ses
épis et il hurle un truc genre « good morning Pariiiiis, I’m Britney
and I love you » avant d’esquisser un petit pas de danse. Ça met
certes une bonne humeur mais le truc, c’est que du coup, Max et les filles
parlent super fort sous prétexte qu’ils ont un micro.
Melody est douce et mignonne, ça va : ça donne juste aux
clients l’air qu’elle a un peu d’assurance.
Sonia s’adapte à tout (elle
explique que « travailler a
toujours été un plaisir [pour elle] mais
que là, elle s’amuse encore plus qu’avant » mais elle se plaint
d’acouphènes et de maux de tête).
Le problème (Sonia
s’est raclé la gorge…), c’est Elisabeth. « je suis désolée de le
présenter comme ça mais elle est source de tensions. Elisabeth a un vrrrrrai
talent de vendeuse [c’est moi qui avais soufflé cette expression à
Sonia : toujours faire un petit compliment avant de porter l’estocade] mais
vraiment [attention, elle prépare ses armes], je trouve que la façon de vendre
d’Elisabeth n’est pas conforme à ce que nous voulons faire de l’agence » [dans
ta face].
Là, Sonia a baissé les yeux (on aurait été au cinéma, elle aurait eu un grand prix
d’interprétation) et elle a joué la victime « j’étais vraiment fière que
vous m’ayez promue responsable du comptoir de la nouvelle agence, mais je crois
que je ne suis pas prête à assumer des tâches de management ». Je
voyais bien qu’elle se concentrait pour imaginer des choses tristes mais elle
n’a pas réussi à pleurer.
Sonia a rappelé les valeurs et les promesses du point de
vente : flexibilité, efficacité, rapidité, packages dynamiques : quelque
chose de moderne, techno, digital et marrant. Big-Boss et Isa opinaient et là,
Sonia a dégagé l’arme fatale :
« je ne sais pas comment le verbaliser » [tu parles,
on choisissait « les mots pour le dire » depuis 4 mois] mais
la façon de vendre d’Elisabeth, c’est un peu comme si on reprenait des vieilles
méthodes et qu’on saupoudrait de modernité. Un peu comme un vieil hôtel un peu
décati dont on referait les salles de bain pour mettre des douches à jet pour
lui donner l’air branché mais sans refaire la plomberie : ça peut faire
illusion 5 minutes, mais ça prend pas. Vous voyez ce que je veux dire
? »
Isa et Big-Boss étaient sciés. Je me mordais les joues pour
ne pas rire. Il y a eu quelques interminables secondes de blanc. Sonia a (enfin) fondu en larmes « je
ne sais pas si je suis méchante ou si je suis un mauvais manager. Je m’en veux
tellement […] c’était plus simple pour moi quand je travaillais avec
Léa. Je suis désolée de ne pas être à la hauteur. »
Sonia me lançait des regards désespérés. On n’avait pas
prévu que Big-Boss ne rebondisse pas immédiatement. Je suis arrivée à la
rescousse et j’ai sorti le grand jeu et j’ai rappelé les bases :
- qu’on voulait faire dans ce point de vente du haut de gamme moderne distribué
autrement pour acquérir une nouvelle clientèle,
- qu’effectivement, Elisabeth avait de vieilles habitudes, qu’elle citait sans
arrêt les marques des fournisseurs et que ça allait contre notre stratégie de
différentiation [toujours parler comme Big-Boss, il adore],
- que mon rôle n’avait été que de la former à nos méthodes de travail et que je
la trouvais vraiment résistante au changement,
- que je ne la trouvais pas très moderne, « et c’est un euphémisme »
(dans ta face, bitch),
- qu’il fallait qu’on assume que Big-Boss Voyages était une boite super
atypique et qu’on ne pouvait peut-être pas assimiler des personnalités fortes qui
refusaient de s’effacer derrière les méthodes et les valeurs de
l’agence.
Big-Boss regardait ses pieds. Et puis, il a demandé « Sonia,
si on ne garde pas Elisabeth, tu peux t ‘en sortir avec une personne de moins pendant
quelque temps ? »
C’est Isa qui a répondu : « Mélody est super efficace
et j’assumerai les sociétés avec Max le temps qu’il faudra pour que Sonia
puisse se consacrer à plein de temps à la clientèle de passage. C’est à Sonia
d’incarner le style de la nouvelle agence. Si elle juge qu’Elisabeth ne
correspond pas à notre image, on doit lui faire confiance ».
Big-Boss a conclu : « Sonia, tu as toute ma
confiance. Elisabeth n’est là que depuis 4 mois. sa période d’essai est
terminée. Bon. On ne va peut-être pas respecter à la lettre le code du travail
mais ça ne nous coûtera pas bien cher de s’en séparer. Sonia, je te laisse le
choix :
- soit tu lui donnes encore un mois pour respecter les méthodes que tu as
définies et que Max, Melody et toi assumez parfaitement,
- soit tu décides aujourd’hui qu’on doit mettre fin à son contrat de
travail. »
Sonia s’est redressée, a promis de s’affirmer dans son poste
et parler à Elisabeth dès le lundi. Ce qu’elle a fait (certes un peu sèchement).
Dans la foulée de cette « petite mise au point »,
Elisabeth est allée se plaindre à Big-Boss que Sonia prenait la grosse tête et
qu’elle se mettait à lui donner des ordres. Big-Boss est resté très calme et a
expliqué à Elisabeth que c’était Sonia qui gérait le comptoir et que si elle
donnait des ordres, c’est parce que Big-Boss lui avait laissé carte blanche.
Elisabeth s’est étranglée et a réclamé de venir bosser avec
moi dans l’agence historique. Et là, Big-Boss a ri « Elisabeth, mon petit, vous
n’avez pas le profil pour le haut de gamme ». Elle est devenue
toute rouge, a poussé des cris stridents, récupéré sa besace et est partie en
claquant la porte. La réaction de Big-Boss n'était sans doute pas prédite par son horoscope.
Comme on ne l’a pas revue depuis, Big-Boss lui a envoyé un
recommandé pour « abandon de poste ». A mon avis, on ne va pas la
revoir de sitôt.
Comment le service de financement léméridien m'a accordé un prêt !!!
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