Bon, les filles (et les gars…), cette fois ci, on ne rigole
plus. On doit arrêter de se mentir : l’heure est grave.
On commence à parler sérieusement de downsizing, de repli,
de menace sur l’emploi et même de plans sociaux…
Air France a dégainé ce jeudi : plus de 5000 postes
seront supprimés en 2012 et 2013. On recompte ? 5122 très exactement…
logique puisque la flotte va être réduite et qu’on demande au staff de faire
plus d’heures. J’ai beau être assez peu matheuse… moins d’avions, davantage
d’heures de travail par salarié : Air France n’a plus besoin de tout le
monde…
De toute façon, ça sent le roussi un peu partout chez les
transporteurs aériens : comme presque tous les autres stewards et hôtesses
embauchés par Easyjet en janvier 2012 à la base de CDG, le CDD de mon Nico ne
sera pas renouvelé. Easyjet a vu trop grand lors de ses derniers recrutements
et il n’y a pas assez de boulot pour tout le monde. Bref, mon Nico sera au
chômage dans 3 semaines.
A Orly, la compagnie orange propose à certains quelques
« deuxièmes CDD » pour passer l’été, mais d’après la rumeur publique,
il semble que personne ne soit transformé en CDI ce mois ci. Pas très rassurant… Cette semaine, Easyjet a aussi annoncé la
réduction de sa capacité au départ des aéroports espagnols de 7%. Au départ de
Madrid, c’est moins 20%.
Le staff sera déployé sur d’autres bases. Ah
oui ? à Budapest peut-être… mais pas à Paris.
Chez les TO, ça commence à trembler… FRAM annoncerait plus
de 300 licenciements, Thomas Cook flippe en attendant un éventuel acheteur, TUI
dégraisse, chez Go Voyages, c’est « sauve qui peut » et partout, chacun
regarde avec inquiétude les courbes de vente déprimantes. Mes indic’ chez les
TO me disent que dans les services
transports, on est tendus et qu’on étudie les possibilités d’annulations de
chaines, de régulation et de doubles touchers. Même en dernière minute.
On peut parler des « surcharges fuel » ?
Comment, dans nos petites agences, on explique au client que « pour tout
départ sur les Baléares en charter [pardon, en vol spécial, ça fait moins
vulgaire…], nous sommes contraints de répercuter l’augmentation du coût du
carburant en réajustant les prix des forfaits de 8 € par pax » ?
Prenez une calculette.
On gagne genre 80 € par pax sur les dossiers achetés aux TO.
OK, c’est presque rien… mais les temps sont durs alors on ne va pas faire la
fine bouche.
Le TO nous réclame 8 € par pax. Chez Big Boss Voyages, le
dossier moyen, c’est 2,4 pax. On va donc payer 19,2 € de supplément. On a payé,
on doit réajuster le client…
Combien ça nous coûterait ? entre le temps de rédaction
du courrier (« le temps, c’est de l’argent », comme dit ma
grand-mère), le coût d’affranchissement (4,38 € le R1), le temps d’explication
au client (« comment ça, l’augmentation du prix du pétrole ? à la
pompe, il baisse… vous vous moquez de moi ? »), le stress d’annoncer au
client un truc qu’il ne va pas aimer (« comment ça, les petites lignes du
contrat ? »), le temps de dévalider la facture et d’en refaire une…
franchement, est-ce que ça vaut 19,2 € ?
Pour moi, la réponse est
« non ». On s’assoit dessus. Et Isa râle parce qu’elle a déjà
enregistré la facture, qu’elle doit passer un avoir et une nouvelle facture.
Comme les pièces comptables sont « dématérialisées », on doit en plus les imprimer nous-mêmes
(« Isa’, faut remettre de l’encre. J’ai essayé de changer la cartouche mais
j’ai juste réussi à faire tomber la poudre»), comme les carnets de voyages…
Bon. Les surcharges fuel, on fait avec… mais il y a un truc
plus grave : les hausses devises. ça… c’est du sérieux !
« le cours de l'€ ayant fortement chuté par rapport au
cours de la majeur partie des devises utilisées pour le calcul de nos prix,
nous sommes dans l'obligation de réviser nos prix (...) Les prix qui figurent
dans nos brochures en cours de validité ont été établis sur la base des devises
au 1er septembre 2011. [à cette date], l'€ s'échangeait à 1.44 USD »
blablabla…
C’est vrai qu’en passant de 1 € = 1,44 $ et 1 € = 1,24 $, la valeur
de l’euro par rapport au dollar US s’est dégradée de 14%. Quand tu marges à 20%, c’est facile à
calculer… tu achètes un truc à 1000 $ sur une base de change à 1,44, tu penses
l’acheter à 695 € donc tu le vends à 695/0,8 = 869 €… et si tu le payes sur une
base de change à 1,24, tu l’achètes en fait à 806 €. Donc, tu n’as gagné que 63
€. Et j’ai beau refaire le calcul 12 fois, 63 / 869, ça fait 7%. Et ben,
franchement, on peut se demander pourquoi on se lève le matin…
Maintenant, prends une calculette et refais les calculs… si
tu as margé à 14%, tu n’as rien gagné. Si si… je t’assure ! calcule
encore. Et arrêt de regarder cette corde qui te tend les bras…
Bon… si tu as une comptable comme notre Isa, il n’y a pas de
problème : elle achète ses dollars à l’avance en fonction des ventes de
l’agence. Donc, le dossier vendu quand l’euro valait 1,44 $, elle le paye à
1,44. Et ta marge n’est pas dégradée… ça s’appelle la « couverture
change ». Si Isa y arrive, je ne comprends pas comment les gros TO (qui
payent des fortunes des directeurs financiers) n’y arrivent pas.
Je vous donne un autre exemple de la mauvaise foi des
TO ? Le taux de commission réduit sur les promos. Un truc magique. Le TO
publie un prix (au hasard, une semaine en club all inclusive) à 699 €. Tu
gagnes 14% là dessus. Reprends ta calculette (je ne t’avais pas dit que tu
pouvais la ranger…) 699 x 14% = 98 € par personne (j’arrondis pour faire simple).
Le TO encaisse donc 601 €.
Imagine maintenant que le TO fait une promo à 649 €. Tu ne
gagnes plus que 10% (si… regarde les petites lignes de ton contrat : sur
les promo, tu ne gagnes que 10%). Le TO va encaisser 649 – 10% = 584 €. Tu as
bien lu : le TO encaisse 17 € de moins (sur 601 €… soit une baisse de
revenu de 3%) et toi, tu gagnes 65 € au lieu de 98 €, soit une baisse de 33% de
ta commission.
Franchement, je serais TO, et je voudrais te tuer, je ne
procéderais pas autrement…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire