dimanche 13 juin 2010

Souvenirs d'éductours

Depuis que mon blog est en ligne, nombre de sœurs agents de voyages et quelques commerciaux de tour-opérateurs m’ont réclamé un post à propos des voyages d’étude. Qu’on les appelle éductours, voyages d’étude, de repérage ou de découvertes, famtrips etc…, on parle bien de la même chose : partir le temps d’un week-end ou 8 jours (voire plus) à la découverte d’une destination, d’un pays, d’une ambiance, d’un hôtel, d’un type de voyage etc… pour se rendre compte de ce que l’on propose à nos bien-aimés clients-voyageurs-payeurs… ça fait partie des fantasmes de la profession, surtout vis-à-vis de l’extérieur : le monde libre, quoi… les gens qui ne « travaillent pas dans le tourisme » (Dieu que cette expression est laide). Que le premier qui n’a jamais entendu les phrases suivantes me jette la première pierre : « Tu pars encore en vacances ? », « P’tain… trop dur ton taf : 5 jours à Maurice en janvier, y’a pire » ,« Ouh la la ! T’es encore bronzée ; tu r’viens d’où, veinarde ? » (du point soleil en face, pour répondre à ta question) « Alors, c’était bien tes vacances ?» (alors non, c’était pas des vacances, y’avait un gros boulet qui voulait que je sois sa meilleure amie, j’ai visité 21 hôtels en 5 jours, j’ai dormi 16 heures en 5 nuits et je suis crevée).

A l’agence, on appelle les voyages d’étude les CVIP : les Colonies de Vacances entre Inconnus de la Profession. Je sais que vous rêvez de compte-rendus croustillants de CVIP où l’on se met minables jusqu’à ce que l’on nous chasse du bar, où l’on finit tous à poil dans la piscine, où les rooming-lists évoluent au fil du déroulé du CVIP etc... il faudra me passer sur le corps promettre beaucoup d’argent (ou vraiment insister) pour que je raconte… L’autre jour, « un commercial » (joli nom…) écrivait en réaction à l’un de mes posts que « l'ambiance baisodrome années 80 c'est bien fini ». Je m’inscris en faux, cet homme a sans doute vieilli depuis les années 80… Mais n’insistez pas, je ne vous raconterai pas l’extase que j’ai vécue dans un camp de toile sublime du Masaï Mara avec un agent de voyages lyonnais fort comme un rhino, doux comme un lionceau et viril comme un éléphant mon voyage d’étude au Kenya. Ça n’est pas arrivé, ce garçon n’a jamais existé et de toute façon, je ne suis jamais allée au Kenya. Qu’on se le dise (Oh mon Dieu, rien qu’à repenser à cette folle étreinte dans le Masai Mara, j’en ai encore des frissons). Je reparlerai peut-être un jour des boulets qu’on repère à l’enregistrement : celle-là va perdre son passeport (le commercial du TO passera 4 heures au poste de police pour l’aider parce que le boulet ne parle pas un mot d’anglais), être allergique au riz (très pratique en Thaïlande), marcher sur un oursin (penser à évoquer un jour l’ambiance de l’hôpital de Mombasa), il y a de toute façon au moins un boulet par groupe. J’en garde pour la suite… je ne vais pas vous raconter tous mes éductours en un seul post : ma life d’agent de voyages est certes trépidante mais il ne m’arrive pas des choses extraordinaires chaque jour non plus.

J’ai réfléchi aux CVIP effectués ces 9 dernières années. Je ne voudrais pas avoir l’air de me la raconter grave mais quand même… je suis un poil montée en gamme depuis quelques années… j’ai classé mes CVIP en trois groupes :

1. Les visites d’hôtel à la chaine dans des endroits où pour rien au monde on n’enverrait un client. Voilà, c’est dit. Mon premier CVIP, c’était à Monastir. On a enchainé les saloperies en béton pendant 3 jours. J’avais genre deux mois de boite, je m’étonnais qu’on m‘ait proposé (à moi, la gamine qui venait d’arriver) un week-end d’avril au soleil… Je suis rentrée écœurée, presque dégoûtée de ce métier et je n’ai plus osé vendre Monastir pendant des mois. Ceux-là, passé 22 ans, on n’a plus d’état d’âme à se dire que « ben non, c’est pas de chance mais ce jour là, j’peux pas, j’ai piscine » (Là, je sais que je vais grave me faire insulter par des filles qui ne sont jamais partie en éductours, mais j’assume…). Dans le même ordre d’idée, j’ai ignoré avec superbe il y a 15 jours une proposition d’un TO bien-être que je ne nommerai pas (ils ont un agent de résa qui s’appelle José qui a une voix craquante) de passer 24 heures en Andorre : ½ journée de visites d’hôtels et ½ journée de soins en thalasso. Pour rejoindre Andorre, c’est 2h40 de TER depuis Toulouse. (qui est déjà à 6h40 de la Gare Montparnasse, donc pour une fille comme moi qui a du mal à bouger son cul Rive Gauche, c’est juste pas possible). Message perso au sus-dit TO : la même chose en Bretagne, avec José (qui n’est pas portugais mais de République Dominicaine), je prends tout de suite ! (note perso au sus-dit José : je m’entraine à danser la bachata depuis 15 jours, juste au cas où tu voudrais me présenter tes parents)

2. Les visites d’hôtels vendables (même si à la chaine) dans des pays chouettes : bon… c’est pas que je sois complément obsédée par la Rép’ Dom’ (mais quand même…) mais partir 5 jours en décembre (les TO renforcent leurs chaines de charter et ils ont des empty-legs à remplir, c’est pour ça qu’on est toujours invitées début décembre ou en novembre), à se gaver de poisson et de noix de coco, danser jusqu’au bout de la night, rouler des centaines de kilomètres pour aller visiter 21 hôtels tous plus somptueux les uns que les autres, ça vaut le coup de ne (presque) pas dormir 5 nuits, de se prendre 30 degrés de différence de température (et la même chose au retour), de noircir des pages entières de notes sur les hôtels (faut débriefer aux collègues au retour) et de ré-attaquer au bureau à 10 heures même quand on est arrivée 3 heures plus tôt à l’aéroport, crevée et jet lagée et qu’on ressemble à un épouvantail avec coups de soleil sur le nez et marques blanches autour des yeux façon panda un poil fatiguée par le voyage. Un truc comme ça, je signe tout de suite pour recommencer… même si je me suis baignée à peu près 20 minutes en 5 jours.

3. Les vrais voyages où l’on vit comme nos clients :
alors bien sûr, on a toujours plus à manger qu’eux, on a le meilleur guide, on dort dans des suites quand nos clients ne connaissent que les « standard »… mais quel pied ! C’est ainsi que j’ai découvert le Kenya (et le bonheur d’être une femme désirée au milieu du bush) et que j’ai compris qu’une croisière sur le Nil, c’était pas un truc de vieux. Maintenant, c’est ainsi que je voudrais découvrir la Rép’ Dom’… en profondeur… (if you sea what I mean, José…), accompagnée d’un Dominicain… et au petit matin, après m‘avoir parlé des étoiles, il me murmurerait :

Son las 5 de la mañana y yo no he dormido nada

Pensando en tu belleza y loco voy a parar
El insomnio es mi castigo
Tu amor será mi alivio
Y hasta que no seas mía no viviré en paz
Y conocí tu novio pequeño y no hermoso
Y sé que no te quiere por su forma de hablar
Además tú no lo amas porque no da la talla
No sabe complacerte como lo haría yo
Pero tendré paciencia porque no es competencia
Por eso no hay motivos para yo respetarlo
Noo, no es amor,
Lo que tú sientes se llama obsesión,
Una ilusión, en tu pensamiento,
Que te hace hacer cosas,
Así funciona el corazón
Bien vestido aya en mi lexus,
Pasé por tu colegio,
Me informan que te fuiste,
Como loco te fuí alcanzar

2 commentaires:

  1. C'est du tout bon ! Pas de doute c'est du vécu ! Coté premier éductour, j'ai moi aussi un souvenir impérissable : c'était en Corse...avec la SNCM
    Départ le vendredi soir de Marseille,arrivée le samedi matin à Ajaccio,visite d'Ajaccio et remontée vers Bastia en train et retour vers Nice dans la nuit du samedi au dimanche.
    Bon ça c'était le programme... dans la réalité, on est resté bloqués dans le port de Marseille toute la nuit à cause d'une tempête, on a fait la traversée de jour (ça secouait pas mal) jusqu'à Ajaccio où on a du passer 2 ou 3 heures (le temps d'acheter des clops détaxées) avant de rentrer de nuit vers Marseille ! La Corse ? Vous pensez si je connais, j'y ai passé 3 heures !

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  2. Comme dit Denis, ça sent le vécu (la "bleue" à Monastir, moi c'était Palma, mais à part ça, kif-kif...)
    Sinon, ces dernières années, j'étais plutôt voyages de presse, pas triste non plus. Le journaliste-boulet, ça existe aussi. Genre la grande reporter du Fig* qui te demande où sont les toilettes dans le lobby de l'hôtel où comme elle, tu mets les pieds pour la première fois.
    Ou ce grand journaliste du M* qui accepte un VP à Guernesey sur les traces de Victor Hugo et qui veut voir des blockhaus et rien d'autres car son trip c'est la 2nde guerre mondiale (t'avais qu'à lire le programme, gros naze !)

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