J’ai une bonne nouvelle pour FRAM : bientôt, les
agences de voyages qui vendent du mainstream vont manger dans la main de notre
tour opérateur bleu-blanc-rouge préféré.
On ne va pas se mentir : TUI est en train de tuer
Marmara.
Les chiffres du groupe TUI sont publiés. Réjouissons-nous :
la perte nette sur les 9 premiers mois de l’exercice (oct 2012/sept 2013) baisse
à 236 millions de livres contre 284 millions l’an dernier à la même époque. Euh…
vraiment ? Vous trouvez qu’il y a de quoi se réjouir ?
L’autre jour, dans le métro (je vous jure que c’est vrai), j’étais
assise à côté d’un monsieur qui visiblement, travaillait chez TUI. Il lisait
des papiers pas réjouissants et y’avait écrit « moins » à peu près dans
toutes les colonnes… j’ai louché comme une folle sur ses documents mais c’est
pas facile de lire les petites lignes en restant discrète. Quand il est sorti
du métro, j’ai regardé si par hasard, il ne jetait pas les papiers dans une
poubelle. J ‘étais prête à bondir. Mais non, ça aurait été trop beau. Il
les a remis dans sa sacoche.
Marmara, ça eut marché, mais ça marche plus. Le
long-courrier est un échec cuisant et l’Egypte, le Maroc et la Tunisie, euh…
comment te dire ? Alors oui… à fin juin, les réservations pour l’été ont baissé
de 22%, ce qui s’explique largement par la baisse de 19% des capacités
offertes.
Tellement de baisse de capacité que « des départs
prévus en dimanche/dimanche finissent en jeudi/jeudi […] va-t’en expliquer ça
au client à un mois de son départ » témoignent plusieurs agences...
Le respect du client, c’est aussi de savoir gérer les
capacités pour ne pas dire à des pax qui arrivent à Rhodes que « Vous
allez être relogés dans un hôtel 5*, beaucoup mieux de notre club ». Comme
ça, tes clients qui avaient réservé un Club Marmara all inclusive, 100%
francophone, dans un cadre verdoyant, avec plusieurs restos et piscines, des
petites criques pour se baigner se retrouvent dans un hôtel 5* en centre-ville,
en pension complète hors boissons, dans un environnement bétonné, avec une
seule piscine, très peu de clients français, pas d’activités sportives et avec
une plage publique dégueu.
Une autre anecdote ? Un dossier de 2 adultes et de
leurs jumeaux de 5 ans à Majorque. Réservation en chambre quadruple faite depuis
6 mois. Marmara t'envoie un mail un mois avant le départ pour t'annoncer que la
chambre quadruple n'était plus dispo. On te propose alors deux chambres doubles
communicantes. Pas contente de ne plus avoir la quadruple promise et réservée
ferme, tu appelles la résa : « euh, comment peux-tu me faire des chambres
communicantes en bungalow ? »
- re contre-proposition de Marmara : deux chambres doubles, sans garantie de
chambres côte à côte.
- tu sais ce que c’est qu’un enfant de 5 ans ? Tu crois qu’il peut
s’assumer tout seul (avec son jumeau quand même…) quand ses parents sont à
l’autre bout de l’hôtel ?
- mais chez Marmara, on a réponse à tout : « on va mettre un adulte
et un enfant par chambre ».
A la fin, tu changes tes clients d’hôtel pour éviter l’après-vente.
Forcément, entre les problèmes récurrents et les politiques commerciales pro
vente-directe, le réseau de distribution classique tourne désormais carrément
le dos à Marmara.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Résumé des épisodes précédents : plan de vol ambitieux,
nombreux départs de province, hôtellerie normée, prix canon. Il est clair que
produit Marmara se vend facilement, sans besoin de faire beaucoup d’efforts…
tout se fait en 3 clics sur un B2B efficace et puissant. Tu édites tes factures,
tes vouchers et tes convocations charter. Franchement, pour vendre du
mainstream à 399 € la semaine en all inclusive, on ne demande pas mieux.
Et puis un jour, c’est le printemps arabe, TUI décide de
fusionner la prod mainstream que la marque soit NF ou Marmara, et c’est le
drame. Marmara a beau essayer de positionner des vols vers la Sardaigne,
l’Andalousie et la Grèce (et vers les Canaries l’hiver prochain), il faut
remplir ces hôtels-clubs. Le tourisme intégré, c’est bien joli en période de
rareté de l’offre mais pas quand la demande faiblit…
Les têtes pensantes de Marmara vont nous dire :
« c’est la faute des agences. Elles sont frileuses. Elles ne veulent pas
vendre les destinations du Maghreb, alors que sur le web, ça marche ».
Alors voilà : la solution, c’est de se passer des agences de voyages. Pour
ça, Marmara a fait le maximum pour détourner les clients des agences. C’est
vrai qu’à coup d’affiliation, de présence sur les comparateurs, de campagnes de
pub, Marmara peut créer du trafic sur son site web.
Du coup, pour
« acquérir cette clientèle » Marmara l’appâte avec 5% à 10% de
réduction sur son site de vente directe. Quand tu sais qu’en agence, on gagne
13 ou 14% sur Marmara, mais seulement 10% sur les promo, rien sur les taxes et
qu’une YQ non commissionnée peut représenter 30% du prix du package… tu ne peux
pas t’aligner !
A la décharge de Marmara, on (les agences) coûte cher en commission
à Marmara. Si Marmara ne veut plus nous rémunérer pour service rendu, que le TO
l’assume : dans ce cas, que le prix brochure baisse de 10% et que Marmara
prenne des fees aussi ridicule qu’Air France sur son site de vente directe. ça
serait le début des « prix net » sur le package, un peu comme ce que
nous ont inventé les compagnies aériennes américaines sur les vols il y a une
quinzaine d’années. Avec le recul, on ne s’en porte pas plus mal…
Bon. René Thibaut, directeur commercial et Sébastien
Boucher, directeur marketing, des anciens de Marmara quittent le navire TUI le
mois prochain. Tonton Dom laissait entendre dans son édito de lundi (daté de
dimanche : TourMaG, c’est comme Le Monde, mais à l’envers…), tout ce petit monde devrait
finir chez Donatello (il faudrait penser à l’occasion à redimensionner les
équipes de résa, mais je m’égare…)
Isabelle Ménard Lepeu, la responsable online et grande
distribution quitte aussi l’entreprise, ce qui laisse présager que mêmes les
grosses usines de vente de voyages dégriffés en promo de dernière minute ne
sont plus en odeur de sainteté chez TUI : maintenant, la distribution,
c’est le web Marmara et les agences « maison » aux couleurs de
Marmara ou de NF.
Respire et lis ces chiffres : au sein du groupe TUI,
pour la période avril/juin, les ventes directes représentent 91% du CA en
Grande-Bretagne (dont 47% on line) et 88% du CA en Scandinavie (dont 69% on
line).
Je n’ai pas trouvé les chiffres de ce que représente la
vente directe chez TUI pour le marché français mais je suis à peu près certaine
que le management répondrait « pas assez ».
Est-ce très efficace ? Je n’en suis pas certaine.
Depuis sa reprise par TUI, NF a toujours perdu de l’argent et l’autre jour,
l’une de mes amies Facebook disait « j'ai passé un entretien pour un poste
dans une agence Marmara. On m’explique très sérieusement qu’ici, quand un
client rentre, le but c'est de prendre le plus d'argent possible dans son
portefeuille... » Avec du talent, un vendeur peut sans doute faire ça une
fois. Mais pour fidéliser, c’est peut-être pas l’idéal. Non ?
Pour résumer le truc, je crois qu’on peut dire que là, la
distribution classique et Marmara sont carrément en procédure de divorce. Chez
Big-Boss Voyages, on ne vend plus Jet Tours depuis des années, on est en baisse
de 70% sur Marmara. Mais c’est un choix : « chez Big Boss Voyages,
messieurs-dames, on propose des voyages. Pas des vacances en club ».
Et on enchaîne… « sinon, mes clients adooooooorent ce joli petit hôtel de charme » (voix de
pétasse) et on essaie de placer ce qu’Isa nous a négocié… si les clients
veulent vraiment du club, on leur dit d’aller en face « où ils font ça très
bien ».
En face, c’est aussi une agence Big-Boss Voyages, mais on ne
le dit pas aux clients… Et en face, on vend le petit TO bleu-blanc-rouge qui ne
crache pas sur la distribution classique. On ne propose jamais Marmara. Si le
client insiste, on va lui expliquer ce qu’il y a chez Marmara, chez Look, chez
FRAM et Plein Vent et à la fin, on lui sort général, on arrive à détourner la
vente…
Marmara veut tout faire sur le web ? Marmara veut
divorcer de la distrib’ classique ? OK, assumez les gars ! Ce que je
voudrais, c’est que les têtes pensantes des réseaux se décident à dire
discrètement aux points de vente « arrêtez de vendre Marmara, parce que
là, ils se foutent carrément de nous ». Bien sûr, ils ne peuvent pas le
faire officiellement parce que les contrats de référencement sont signés et
qu’ils ne peuvent pas être dénoncés n’importe comment mais franchement… si un
message officieux passe dans les points de vente, on a tout à y gagner :
des surcommissions sur l’augmentation de notre chiffre chez FRAM et Look par
exemple…
En fait, grâce à Marmara, mon rêve est en train de se
réaliser : les agents de voyage ne distribueront bientôt plus de brochure
et deviendront des inventeurs de
voyages. Enfin, on va pouvoir se différencier les uns des autres. Il en va de
notre survie.
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