lundi 2 septembre 2013

Marmara : "TUI m'a tuer"

J’ai une bonne nouvelle pour FRAM : bientôt, les agences de voyages qui vendent du mainstream vont manger dans la main de notre tour opérateur bleu-blanc-rouge préféré.
On ne va pas se mentir : TUI est en train de tuer Marmara.

Les chiffres du groupe TUI sont publiés. Réjouissons-nous : la perte nette sur les 9 premiers mois de l’exercice (oct 2012/sept 2013) baisse à 236 millions de livres contre 284 millions l’an dernier à la même époque. Euh… vraiment ? Vous trouvez qu’il y a de quoi se réjouir ? 

L’autre jour, dans le métro (je vous jure que c’est vrai), j’étais assise à côté d’un monsieur qui visiblement, travaillait chez TUI. Il lisait des papiers pas réjouissants et y’avait écrit « moins » à peu près dans toutes les colonnes… j’ai louché comme une folle sur ses documents mais c’est pas facile de lire les petites lignes en restant discrète. Quand il est sorti du métro, j’ai regardé si par hasard, il ne jetait pas les papiers dans une poubelle. J ‘étais prête à bondir. Mais non, ça aurait été trop beau. Il les a remis dans sa sacoche.

Marmara, ça eut marché, mais ça marche plus. Le long-courrier est un échec cuisant et l’Egypte, le Maroc et la Tunisie, euh… comment te dire ? Alors oui… à fin juin, les réservations pour l’été ont baissé de 22%, ce qui s’explique largement par la baisse de 19% des capacités offertes.

Tellement de baisse de capacité que « des départs prévus en dimanche/dimanche finissent en jeudi/jeudi […] va-t’en expliquer ça au client à un mois de son départ » témoignent plusieurs agences...

Le respect du client, c’est aussi de savoir gérer les capacités pour ne pas dire à des pax qui arrivent à Rhodes que « Vous allez être relogés dans un hôtel 5*, beaucoup mieux de notre club ». Comme ça, tes clients qui avaient réservé un Club Marmara all inclusive, 100% francophone, dans un cadre verdoyant, avec plusieurs restos et piscines, des petites criques pour se baigner se retrouvent dans un hôtel 5* en centre-ville, en pension complète hors boissons, dans un environnement bétonné, avec une seule piscine, très peu de clients français, pas d’activités sportives et avec une plage publique dégueu.


Une autre anecdote ? Un dossier de 2 adultes et de leurs jumeaux de 5 ans à Majorque. Réservation en chambre quadruple faite depuis 6 mois. Marmara t'envoie un mail un mois avant le départ pour t'annoncer que la chambre quadruple n'était plus dispo. On te propose alors deux chambres doubles communicantes. Pas contente de ne plus avoir la quadruple promise et réservée ferme, tu appelles la résa : « euh, comment peux-tu me faire des chambres communicantes en bungalow ? »
- re contre-proposition de Marmara : deux chambres doubles, sans garantie de chambres côte à côte.
- tu sais ce que c’est qu’un enfant de 5 ans ? Tu crois qu’il peut s’assumer tout seul (avec son jumeau quand même…) quand ses parents sont à l’autre bout de l’hôtel ?
- mais chez Marmara, on a réponse à tout : « on va mettre un adulte et un enfant par chambre ». 
A la fin, tu changes tes clients d’hôtel pour éviter l’après-vente.

Forcément, entre les problèmes récurrents et les politiques commerciales pro vente-directe, le réseau de distribution classique tourne désormais carrément le dos à Marmara.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Résumé des épisodes précédents : plan de vol ambitieux, nombreux départs de province, hôtellerie normée, prix canon. Il est clair que produit Marmara se vend facilement, sans besoin de faire beaucoup d’efforts… tout se fait en 3 clics sur un B2B efficace et puissant. Tu édites tes factures, tes vouchers et tes convocations charter. Franchement, pour vendre du mainstream à 399 € la semaine en all inclusive, on ne demande pas mieux.

Et puis un jour, c’est le printemps arabe, TUI décide de fusionner la prod mainstream que la marque soit NF ou Marmara, et c’est le drame. Marmara a beau essayer de positionner des vols vers la Sardaigne, l’Andalousie et la Grèce (et vers les Canaries l’hiver prochain), il faut remplir ces hôtels-clubs. Le tourisme intégré, c’est bien joli en période de rareté de l’offre mais pas quand la demande faiblit…

Les têtes pensantes de Marmara vont nous dire : « c’est la faute des agences. Elles sont frileuses. Elles ne veulent pas vendre les destinations du Maghreb, alors que sur le web, ça marche ». 

Alors voilà : la solution, c’est de se passer des agences de voyages. Pour ça, Marmara a fait le maximum pour détourner les clients des agences. C’est vrai qu’à coup d’affiliation, de présence sur les comparateurs, de campagnes de pub, Marmara peut créer du trafic sur son site web. 

Du coup, pour « acquérir cette clientèle » Marmara l’appâte avec 5% à 10% de réduction sur son site de vente directe. Quand tu sais qu’en agence, on gagne 13 ou 14% sur Marmara, mais seulement 10% sur les promo, rien sur les taxes et qu’une YQ non commissionnée peut représenter 30% du prix du package… tu ne peux pas t’aligner !

A la décharge de Marmara, on (les agences) coûte cher en commission à Marmara. Si Marmara ne veut plus nous rémunérer pour service rendu, que le TO l’assume : dans ce cas, que le prix brochure baisse de 10% et que Marmara prenne des fees aussi ridicule qu’Air France sur son site de vente directe. ça serait le début des « prix net » sur le package, un peu comme ce que nous ont inventé les compagnies aériennes américaines sur les vols il y a une quinzaine d’années. Avec le recul, on ne s’en porte pas plus mal…

Bon. René Thibaut, directeur commercial et Sébastien Boucher, directeur marketing, des anciens de Marmara quittent le navire TUI le mois prochain. Tonton Dom laissait entendre dans son édito de lundi (daté de dimanche : TourMaG, c’est comme Le Monde,  mais à l’envers…), tout ce petit monde devrait finir chez Donatello (il faudrait penser à l’occasion à redimensionner les équipes de résa, mais je m’égare…)

Isabelle Ménard Lepeu, la responsable online et grande distribution quitte aussi l’entreprise, ce qui laisse présager que mêmes les grosses usines de vente de voyages dégriffés en promo de dernière minute ne sont plus en odeur de sainteté chez TUI : maintenant, la distribution, c’est le web Marmara et les agences « maison » aux couleurs de Marmara ou de NF.

Respire et lis ces chiffres : au sein du groupe TUI, pour la période avril/juin, les ventes directes représentent 91% du CA en Grande-Bretagne (dont 47% on line) et 88% du CA en Scandinavie (dont 69% on line).

Je n’ai pas trouvé les chiffres de ce que représente la vente directe chez TUI pour le marché français mais je suis à peu près certaine que le management répondrait « pas assez ». 

Est-ce très efficace ? Je n’en suis pas certaine. Depuis sa reprise par TUI, NF a toujours perdu de l’argent et l’autre jour, l’une de mes amies Facebook disait « j'ai passé un entretien pour un poste dans une agence Marmara. On m’explique très sérieusement qu’ici, quand un client rentre, le but c'est de prendre le plus d'argent possible dans son portefeuille... » Avec du talent, un vendeur peut sans doute faire ça une fois. Mais pour fidéliser, c’est peut-être pas l’idéal. Non ?

Pour résumer le truc, je crois qu’on peut dire que là, la distribution classique et Marmara sont carrément en procédure de divorce. Chez Big-Boss Voyages, on ne vend plus Jet Tours depuis des années, on est en baisse de 70% sur Marmara. Mais c’est un choix : « chez Big Boss Voyages, messieurs-dames, on propose des voyages. Pas des vacances en club ».

Et on enchaîne… « sinon, mes clients adooooooorent  ce joli petit hôtel de charme » (voix de pétasse) et on essaie de placer ce qu’Isa nous a négocié… si les clients veulent vraiment du club, on leur dit d’aller en face « où ils font ça très bien ».

En face, c’est aussi une agence Big-Boss Voyages, mais on ne le dit pas aux clients… Et en face, on vend le petit TO bleu-blanc-rouge qui ne crache pas sur la distribution classique. On ne propose jamais Marmara. Si le client insiste, on va lui expliquer ce qu’il y a chez Marmara, chez Look, chez FRAM et Plein Vent et à la fin, on lui sort général, on arrive à détourner la vente… 

Marmara veut tout faire sur le web ? Marmara veut divorcer de la distrib’ classique ? OK, assumez les gars ! Ce que je voudrais, c’est que les têtes pensantes des réseaux se décident à dire discrètement aux points de vente « arrêtez de vendre Marmara, parce que là, ils se foutent carrément de nous ». Bien sûr, ils ne peuvent pas le faire officiellement parce que les contrats de référencement sont signés et qu’ils ne peuvent pas être dénoncés n’importe comment mais franchement… si un message officieux passe dans les points de vente, on a tout à y gagner : des surcommissions sur l’augmentation de notre chiffre chez FRAM et Look par exemple…


En fait, grâce à Marmara, mon rêve est en train de se réaliser : les agents de voyage ne distribueront bientôt plus de brochure et deviendront des inventeurs  de voyages. Enfin, on va pouvoir se différencier les uns des autres. Il en va de notre survie.


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