Je ne sais pas si je
vous ai manqué pendant ces 6 semaines où j’ai peigné la girafe coulé
des jours heureux en Thaïlande, au Cambodge et au Vietnam, mais moi, je dois
avouer que je n’ai pas du tout pensé à vous. J’ai réussi à me mettre
la tête à l'envers grâce au mojito complètement déconnecter...
Quand je suis rentrée et
que j’ai demandé aux copines ce qui s’était passé pendant tout ce temps, on m’a
raconté seulement deux trucs :
1) Que les
bourgeois malfaisants homophobes de Versailles envahissaient
les rues et utilisaient leurs enfants comme boucliers humains, entraînés par
une espèce de vieille drag-queen ratée et en manque de
notoriété reconvertie en parangon de vertu, pour empêcher nos amis gays de se
marier.
2) Qu’une bimbo
décérébrée faisait rire la France entière en déclamant (même
pas en alexandrins) « t’es une fille et t’as pas de shampooing ? Non
mais allô quoi ! ».
A croire que je vous
quitte six semaines et que vous en profitez pour prendre des drogues
dures ne faire que des bêtises.
Bon… je suis rassurée :
depuis mon retour, le texte qui ouvre enfin le mariage aux couples de même sexe
a été voté (et j’ai dans la foulée ouvert une liste de mariage pour
deux petits barbus charmants qui partiront en Afrique du sud en décembre) et
Nabila est retournée depuis d’où elle venait : les oubliettes de
l’anonymat.
Quand j’ai creusé un
peu (pas possible que l’actualité ne se résume qu’à ces deux créatures
moisies), on m’a expliqué que si, quand même, au-delà de Frigide et Nabilia,
quand même… la profession était en train d’évoluer.
Une petite remise en
question en douceur, pas la révolution quand même.
Là, je me suis laissée
aller à imaginer
1) qu’on avait trouvé un
moyen de faire entrer les clients dans les agences,
2) que les hôteliers avaient
gagné leur bataille contre les centrales de réservation et les comparateurs, ou
que
3) les compagnies aériennes avaient décidé d’accorder à nouveau des
commissions à leurs fidèles distributeurs (qui ont le bon goût de
vendre des billets à des yields corrects, plus chers que ce qu’écoulent les
moteurs de recherche sur le web).
Que nenni ! Les évolutions notables
qu’on a observées, c’est que le tour operating à la française est en
train de mourir ou de se renouveler. Je m’explique.
Le truc nouveau, c’est
que les TO ne jurent plus que par le mainstream. C’est un
mot très laid que je n’arrive pas à traduire par autre chose que «
le tout venant ». Bref, les vacances de beau-f' ce qui
marche pour la masse.
Il semble qu’on a enfin
compris que les TO n’étaient capables que de produire des machins à gros volume
avec des charters, des hôtels normés, des circuits avec des départs
garantis.
Michel Rességuier,
le sémillant et rigolo comme tout boss de Thomas Cook qualifie
la production à la carte de « foyer de perte » (qu’en
terme élégants ces choses-là sont dites) et se recentre sur ces clubs
et ses circuits. Point.
Kuoni France, qui vient d’être vendu
par son actionnaire suisse à son management français (saluons la prise
de risque de Foiry et consorts) a besoin de retrouver la rentabilité
? Le « nouveau Kuoni » se concentre sur les
circuits à départ garanti et abandonnerait (selon la rumeur
publique) dès la saison prochaine 80% de son offre «
séjours ».
FRAM qui a deux-trois petits
soucis (oh, deux fois rien…) baisse ses engagements charter.
Et Patrice Caradec du Groupe Transat / Look veut
désormais « acheter ce que [le groupe] vend et non pas [vendre ce
que le groupe achète] ».
Bref, moins de risques,
une production resserré un peu passe-partout, ça devrait nous promettre un été
sans stocks démesurés à écouler, sans trop de choix et surtout sans promo. Cet
été, les voyageurs devraient donc acheter ce qu’on leur propose et au juste
prix.
Perso, ça me ferait bien
du plaisir de pouvoir répondre « rien » à ceux qui nous
demanderont en juillet/août « vous avez quoi en pas cher pour partir
le week-end prochain ». Mais bon… même si mes vacances m’ont
vraiment rendue optimiste, je dois rester lucide…
Si les TO se recentrent
sur le mainstream, les voyageurs qui voudront des jolies choses, des programmes
cousus-mains ne trouveront plus leur bonheur dans les brochures. Leur
solution sera alors de passer par des boites qui proposent des voyages sur
mesure, conseillés par des conseillers experts qui savent de quoi ils
parlent.
Les quelques TO qui font
du sur mesure ne sont pas dans la meilleure forme :
Parce que je ne veux pas
avoir l’air d’enfoncer une porte ouverte, mais les quelques TO qui savent faire
ça (coudre de la dentelle) ne sont pas dans la meilleure forme
: STI s’effrite chaque jour et Autrement Voyages (qui
est quand même un copié-collé) a fini par tirer le rideau.
Les agences qui
travaillaient avec Autrement ou STI et qui payent les TO en direct (sans
passer par les centrales de paiement de réseaux) ont quand même une
probabilité assez forte de se retrouver sur la paille plantées (et
je rappelle au passage que l’APST ne garantit que les clients directs et pas
les agences…).
Pour le sur mesure, rien
de mieux pour les agences que de tout faire soi-même, en direct avec les
compagnies aériennes, les hôtels et les réceptifs.
Partout, on ne parle que
de Voyageurs du Monde, et de leurs copies plus jeunes comme Maison
de la Chine/de l’Inde/de l’Afrique, Voyage Spirit, PlanetVeo,
et j’en passe (et des bien meilleurs).
Que la première agence
qui n’a pas perdu un dossier face à Voyageurs du Monde, Maisons, Voyage Spirit
ou PlanetVeo (visibilité monstre, conseil pointu, accessibilité 24/24
ou presque, tarifs serrés) me jette la première pierre.
Ces opérateurs
sur-mesure réussissent à bien communiquer auprès d’une clientèle ciblée,
peuvent être contactées par mail/téléphone ou en agence, ont une offre de
voyage à la carte flexible et un système de commercialisation méthodique et
efficace, drivé à coup CRM automatique.
Leurs coûts principaux :
de la communication et du staff efficace à la vente (salaire de base
ridicule, commissions sur les ventes généreuses pour les meilleurs).
Leurs sources d’économie
: pas de commissionnement à un réseau de distribution sans valeur ajoutée, pas
de commerciaux B2B (qui passent leur temps dans leurs voitures, à
attendre dans les agences, à gérer de l’après-vente ou à faire du reporting…
alors il ne reste guère de temps pour vendre), un management léger, du
personnel déjà formé donc efficace dès le premier jour.
Donc, si on résume, d’un
côté, les TO industriels débarrassés de leurs effectifs superfétatoires et des
produits qu’ils ne vendent pas vont pouvoir se concentrer sur leur pricing et
vendre ce que les clients mainstream attendent au juste
prix.
De l’autre côté
des vrais agents de voyages qui construisent des
forfaits sur-mesure pour une clientèle exigeante prête à payer le juste prix.
C’est un peu comme ça
chez Big-Boss Voyages, où (révolution !), nous ouvrons la semaine
prochaine notre deuxième point de vente.
D’un côté, dans la nouvelle
boutique sympa et techno, Sonia, Isa et Max vont faire de la billetterie et
vendre des packages mainstream, épaulés par Elisabeth, notre
nouvelle collègue.
Sourire, bonne humeur,
efficacité, disponibilité, newsletters avec des couleurs flashy, des prix
barrés et autres trucs marketing un peu vulgaires. Tu vois Zahia ? Ben
pareil.
En face, Amandine,
Coralie, Jeff, Medoly et moi qui recevons une « belle clientèle » dans
notre agence historique. Elle a été rénovée avec un espace «
accueil » (Melody et un vendeur) pour la réception et 4
espaces semi-fermés où nous avons le temps de recevoir (sur
rendez-vous) nos clients et d’étudier les projets de voyages en toute intimité.
Personnalisation,
distinction, disponibilité totale, communication chic et épurée sans prix. Tu
vois Nabila ou Frigide ? Ben… le contraire.
Si vous vous ne souvenez
pas comment l’idée est venue à Big-Boss d’ouvrir ce deuxième point de vente et
de mieux segmenter la clientèle, relisez mon
billet de juillet dernier :
Voilà. Ça faisait
presque un an qu’on y réfléchissait et c’est parti !
Si ton agence a toujours
le cul entre deux chaises et qu’elle n’a pas choisi son positionnement, je sens
mal son avenir. Si on ne s’adapte pas, on meurt. Les TO ont pris les bonnes
décisions. Il est temps que dans les agences, on se décide à faire
quelque chose.