jeudi 5 avril 2012

Le sport préféré des contrôleurs aériens : se mettre en grève

Je n’ai pas été très active sur mon blog ces temps-ci… mais il faut dire que je suis excitée comme une gosse de 16 ans amoureuse. Oh, je sais… je vous jette avec une insolence crasse mon bonheur naissant au visage, mais que voulez-vous ? Je suis tellement heureuse


Résumé des épisodes précédents. 3 mars : je croise Nicolas dans un bar. Regards. Compliments. Drague timide. 4 mars : deuxième rendez-vous. Mojitos. Rires. Murmures. Caresses. Folle nuit d’amour. (Je couche toujours le premier soir parce qu'on n'est jamais sûre qu'il y en aura un deuxième). Depuis 40 jours, c’est le bonheur parfait. (et j’ai l’impression de le connaître depuis dix ans, tellement tout est simple entre nous).

Forcément, soudainement, la vie est belle. Un bisou de Nico et un rayon de soleil ? Tu crois que c’est l’été. Comme la vie te sourit, tu arrives à l‘agence en chantonnant. Comme les températures sont douces, tu te laisses aller à mettre une petite robe légère et tu viens travailler à Vélib cheveux aux vents, un brin d’herbe folle entre tes lèvres brûlées par les baisers de ton bien-aimé.


Etre amoureuse, ça rend la vie belle, mais parfois un peu compliquée. Tu es sur ton petit nuage, tu te dis que rien ne pourra t’atteindre, que la vie est merveilleuse… et puis, vlan ! Angine. Ma grand-mère avait raison : « en avril, ne te découvre pas d’un fil ».

Et en mars ? Ben… pense à mettre une écharpe de laine ! C’est tellement vexant de choper une angine trois jours après être arrivée à l’agence en robe d’été… Ma pauvre fille, on est mi-mars…

Alors ta petite robe légère, tu la remets dans ton placard et tu la ressortiras en mai. Pas avant. Et jusqu’à la fin du mois d’avril, tu ne lâches pas tes bottes et tes pantalons et tu penses à prendre chaque matin un cardigan et un foulard…
A l’agence, c’est pareil : mars a été le mois parfait à l’agence. On a beaucoup vendu et facturé après un mois de février assez atone. Les dernières minutes ont bien fonctionné, on a vendu Pâques et les ponts du mois de mai, on a engrangé des ventes pour juillet/août et même pour la Toussaint. A chaque client, hop ! un sourire enjoué (facile, il me suffit de penser à Nico), un mouvement gracieux pour repositionner la mèche rebelle qui barre mon front, un éclat de rire cristallin à chaque bon mot d’un client… on est irrésistibles !

Big Boss recomptait les chiffres tel Picsou qui nage dans sa piscine de billets… il était aux anges. Il s’est fendu d’un petit mail a-do-rable pour nous annoncer ces bons résultats, il s’est félicité de l’implication de l’ensemble de l’équipe (il dit « la team », je déteste…) et a eu un petit mot gentil pour chacun : la rigueur d’Isa, mon dynamisme, la productivité d’Amandine, la bonne humeur de Max, la force de travail de Sonia, la culture de Jeff, le sens du service de Coralie, la démarche commerciale parfaite de chacun d’entre nous… ça, c’était le samedi 31 mars…

Et puis, le lundi 2 avril, catastrophe ! Comme si on n’avait pas assez des grèves à répétition d’Air France, d’Iberia (chaque semaine, les lundis et vendredis…), de Lufthansa, de Cyprus Airways, de l’ensemble des salariés grecs et espagnols… les contrôleurs aériens français repassent pour une nouvelle couche : 2 jours de grève dure et massivement suivie.

Je ne sais pas ce que vous avez fait les 2 et 3 avril, mais nous, on a eu deux jours de pure folie. Vols annulés à la dernière minute, clients arrivés avec genre 3, 4, 6 heures de retard…. Voire bloqués en nombre un peu partout dans le monde (mais surtout en Espagne, en Italie et au Maroc), Compagnies aériennes incapables de trouver une solution digne de ce nom, réceptifs débordés par les clients à retransférer, clients affaires qui hésitent.

Je ne devais pas travailler lundi et mon Nico était en jour de repos. Un peu inquiète, à peine réveillée d'une folle nuit d'amour, j’ai appelé Big Boss à 15h qui m’a répondu simplement « c’est l’horreur ». J’ai alors quitté les bras musclés de Nico, me suis précipitée à l’agence et fait ma Shiva (la meuf aux 8 bras).

Rien ne peut m’horripiler davantage que ces cadres fringants qui négocient des contrats de millions de dollars et qui demandent à leur agent de voyages des conseils qui tuent : « mon vol est annoncé avec 4 heures de retard, vous feriez quoi à ma place ? vous annuleriez votre voyage ou vous décaleriez votre retour ? » (à ta place ? je déciderais toute seule sans me faire assister par mon agent de voyages) ou encore mieux « rentrer mercredi au lieu de mardi ? mais je n’ai pas pris assez de vêtements de rechange ! » (écoute, là… demande à ta mère, parce que moi, je ne sais pas résoudre les petits problèmes domestiques…) « et vous croyez que demain, ça ira mieux ? » (attends, je prends ma boule de cristal et je te dis…)

Une fois encore, chez Big-Boss Voyages, nous avons répondu au téléphone façon hot line « SOS détresse » de tôt le matin à tard le soir, nous avons brassé du vent et transpiré comme des folles démontré notre valeur ajoutée en nous rendant disponibles pour nos clients moisis bloqués à Paris, aux 4 coins de l’hexagone (j’adore cette expression…) ou un peu partout en Europe, nous avons réservé à la hâte des billets de TGV entre Paris et l’Italie et même des trains de nuit entre Madrid et Paris… nous avons passé le reste de la semaine à rédiger pour nos clients des courriers de demandes d’indemnisation auprès des compagnies aériennes… Bref, on a materné tout ce petit monde…

La vague du tsunami passée, et ne reculant pas devant l’ampleur de la tâche, Big-Boss a passé sa journée de mercredi à fayotter envoyer des mails pour expliquer aux clients coincés (et décoincés grâce à nous) combien ils avaient eu raison de passer par une petite agence de voyages qui apporte un service personnalisé et pas par un call center de Belfort, suivez mon regard parce chez « Big-Boss Voyages, vous pouvez compter sur la team avant, pendant et après votre voyage ».

Comme ça n’est pas aux vieux singes qu’on apprend à faire des grimaces, son courrier aux clients des entreprises affectés par la grève se terminait par « nos clients sont nos meilleurs ambassadeurs. Si certains de vos fournisseurs, clients et partenaires ne sont pas satisfaits de leur agence de voyages, parlez-leur de notre service. Ils vous en seront reconnaissants. »

Et comme Big-Boss a bien compris que sans la mobilisation de « sa team », il n’est que peu de choses, il nous versera une prime exceptionnelle pour avoir assuré un service « toujours de qualité » pendant ces deux jours éprouvants malgré l'envie de broyer un contrôleur aérien entre deux camions pour faire un exemple.

« Faire et défaire, c’est travailler » disait ma grand-mère. Et je vous assure qu’à chaque fois qu’on fait ou qu’on défait, c’est une ligne de frais d’agence en plus… il y a des jours, on remercierait presque les transporteurs de nous avoir supprimé la commission…

Et moi, j’ai trouvé un nouveau slogan pour les contrôleurs aériens : « à nous de vous faire préférer le train »

 

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