jeudi 17 novembre 2011

Air Seychelles jette l'éponge sur la desserte de l'Europe

La campagne de communication lancée par Etihad lors de l’ouverture de ses vols au départ de Paris avait « retenu mon attention » (comme on dit quand on reçoit des réclamations) : « si vous deviez lancer une compagnie aérienne, vous l’installeriez où ? ». Et là, il y avait une carte de la zone Europe / Asie / Afrique et un petit bout du Pacifique qui montrait en gros que le centre du Monde, c’était Abu Dhabi.

Bien sûr, le centre du monde, ça aurait pu être Dubaï, Bahreïn, Doha ou Mascate. Parce que force est de constater que pour voler entre l’Europe et l’Asie ou entre l’Europe et l’Océan Indien, passer par le golfe persique a du sens.

Bref (comme ils disent chez Canal), les compagnies du golfe ont tout pour plaire. Pour les vendeuses de voyages sur-mesure comme moi, l’aérien est juste la mauvaise étape par laquelle il faut passer pour construire un voyage (en attendant la téléportation).

Que le premier agent de voyages qui n’a pas connu cette expérience me traite de menteuse : Vous réservez un vol. Déjà, vous avez dû faire face à la moue du client « vous ne pouvez pas me mettre sur Air France ? » ah ben non… parce qu’Air France ne vole pas sur les Maldives, ni sur la Tanzanie, ni vers les Seychelles.

Vous proposez Ethiopian Airlines (le nouveau commercial est passé l’autre jour, mon dieu qu’il est beau…) et là, le client vous demande si la compagnie lui donnera un plateau repas ou s’il faut apporter son manger… (non, tu auras un grain de riz… et si tu peux t’en passer, donne-le à une hôtesse… elles sont au régime sec depuis que je suis toute petite) ou XL Airways (« d’où vous me sortez cette compagnie, encore ?c’est français Madame, le siège est à Rungis »)

Bon… vous avez promis à votre client que la compagnie n’est pas sur la liste noire « parce que sinon, elle ne se poserait pas à Paris », vous avez fait votre résa, et vous savez que les ennuis vont commencer : faire une résa, ça a l’air simple… Pourtant, les tarifs vont changer, il va falloir faire un changement de nom (parce qu’en fait, Madame n’est pas vraiment mariée à Monsieur), le tarif ne va pas sortir, les places vont sauter parce que le client à tarder à confirmer, vous allez pleurer une dérogation commerciale (vous en profitez pour vous humilier en expliquant que vous ne savez pas lire une grille pour faire pitié à votre commerciale), et à la fin, vous allez quand même recevoir un ADM.

Pourtant, avec les compagnies du golfe, réserver un vol devient un jeu d’enfant. Nous, chez Big-Boss Voyages, on a des contrats tarifaires avec Emirates et Qatar Airways. Quand vous proposez Emirates ou Qatar à vos clients, ils sautent de joie, vous expliquent qu’ils ont déjà volé avec eux, que c’est super etc… et ça aide à faire signer.

Récapitulons : les flottes des compagnies du golfe font partie des plus récentes du monde (leurs appareils sont super confortables), elles ont des services commerciaux parisiens de qualité (Big-up à mes commerciales chez Emirates et Qatar, adorables et efficaces), et puis c’est bien simple… reconnaissons à Emirates, Etihad, Oman Air et Qatar Airways l’intérêt que peut avoir pour nous leurs réseaux : vous en connaissez beaucoup, vous, des compagnies qui vont en Thaïlande, au Kenya, aux Seychelles, aux Maldives, à Maurice, en Inde et au Sri Lanka (c’est à dire les 3/4 des destinations de votre Top 10 long-courrier) avec ce rapport qualité/prix ?

Parce qu’en plus, les compagnies du golfe proposent d’excellents tarifs (les mauvaises langues vont diront bien que les compagnies du golfe ne paient ni taxe sociale ni kérosène, ce qui n‘est pas tout à fait exact, mais pas complètement faux non plus…)

Petit à petit, les compagnies du golfe grignotent des parts de marché. Au départ de Paris, on a quand même 14 DXB, 16 DOH, 14 AUH et 4 MCT par semaine, soit 7 vols quotidiens avec ces compagnies. Et 10 vols hebdo de Nice. En attendant qu’Emirates ajoute une troisième ville française à son réseau.

Forcément, avec ces augmentations de capacités et dans un marché « qui se contracte », il faut bien que les compagnies du golfe prennent des parts de marché quelque part. Elles se livrent entre elles une bataille sans relâche à cause d’amélioration de produit, de baisse de temps de connexion, et de tarifs promo. Chaque fois qu’une compagnie du golfe lance une offre, les autres surenchérissent… et les autres transporteurs essaient tant bien que mal de répondre à la concurrence.

Un jour, elles jettent l’éponge. Cet hiver, Emirates aura 11 vols par semaine sur les Seychelles (en A340… pas avec des avions de Barbie), Qatar 7 et Etihad 4. En gros, les clients de toute l’Europe ont le choix entre 3 vols quotidiens pour les Seychelles. Et là où les compagnies du golfe desservaient en Europe seulement les grandes capitales il y a quelques années, elles desservent désormais des villes de taille moyenne. Alors l’agrégation de tous ces « petits flux » vers des hubs terriblement efficaces fait qu’il ne reste plus grand chose pour les autres.

Je crois qu’Air Seychelles peut être considérée comme la première victime du développement des compagnies du golfe. Emirates, Qatar et Etihad ont saturé l’offre. Air Seychelles a répondu à coup de promos « duo » (vous en connaissez beaucoup, vous, des gens qui partent aux Seychelles tout seuls ?), « deux îles pour le prix d’une », « discover Seychelles » etc… ça n’a pas suffit.

Et voilà, aujourd’hui à 17h12, j’ai reçu un mail du directeur Europe d’Air Seychelles auquel je ne m’attendais pas : « C’est avec beaucoup d’émotion que je m’adresse à vous pour vous informer que le gouvernement Seychellois, actionnaire d’Air Seychelles, a décidé de mettre fin à l’exploitation de nos vols longs courriers au 23 mars 2012 et de se concentrer sur les dessertes régionales et nos vols domestiques » […] « La situation économique dégradée de nos marchés sources a conduit à une baisse significative des engagements de ventes pour les mois à venir, rendant la perspective d’une amélioration difficilement envisageable » […] « Ne pouvant faire face aux pertes importantes prévisibles pour l’année financière en cours et future, notre actionnaire a décidé de mettre fin à l’exploitation des routes déficitaires dont font partie Rome, Londres, Milan et Paris. »

Ethiopian devait aussi ouvrir les Seychelles. Cette semaine. C’est mon commercial aux yeux de velours et à la peau d’ébène qui me l’avait susurré au creux de mon oreille à Top Résa. Lundi, à la veille de l’ouverture prévue du vol Addis/Seychelles, un communiqué laconique d’Ethiopian avait annoncé la « suspension » de la route « pour raisons opérationnelles »

Voilà. Air Seychelles bientôt out, Ethiopian qui ne semble plus avoir très envie d’ouvrir : les compagnies du golfe ont fait main basse sur l’axe Europe/Seychelles. J’aurai quelques dossiers à reprotéger (même si je vends essentiellement Emirates sur les Seychelles), mais j’ai l’habitude. En direct depuis l’Europe, ne resteront que Condor (un vol hebdo de Francfort) et des charters d’Italie. En attendant que Thomas Cook affrète un vol direct Paris/Mahé ? Avec le savoir faire d’Austral-Lagon, la force de frappe de Jet Tours et de tous les points de vente Thomas Cook, ils pourraient se targuer d’être le seul groupe à offrir des vols directs. Vous ne le croyez pas cap ?

Je profite de mon audience pour vous demander à toutes d’envoyer des bisous magiques au beau Laurent, responsable commercial France d’Air Seychelles qui doit être bien triste. Mais comme il est bon, je suis certaine que bientôt, une autre compagnie aérienne saura profiter de ses compétences. Une compagnie du golfe, peut-être… Ne lui souhaitons pas d’aller chez Thomas Cook quand même !




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire