Depuis que j’écris des billets sur TourMaG.com, je me suis fait plein de copains. Grâce à FaceBook, en particulier avec qui je discute, j’échange, je gossip etc… L’un de nos sujets de conversations récurrents sur FaceBook, c’est « vous avez du monde à l’agence ? Parce que chez nous, c’est vraiment tranquillou. »
Chez Big-Boss voyages, c’est assez rare qu’on n’ait pas grand monde, parce qu’on est généralistes. Certes, la base de notre clientèle, c’est surtout le « tourisme sur mesure » mais on ne fait pas que ça : Max et Sonia s’occupent de la billetterie des PME en compte, et Isa a toujours géré une bonne dizaine de groupes par an… Et quand un secteur souffre, Big-Boss s’acharne sur les autres. Bref, le syndrome des vases communicants…
En fait, Big-Boss s’occupe surtout de nous trouver du travail. Je m’explique : il est toujours sur le terrain à aller draguer les entreprises, les CE, les copains des relations de ses clients…
Quand il est à l’agence (et ça n’est pas souvent…), c’est surtout pour triturer la base CRM et nous pondre des mailings. Sur son PC, il a un tableau excel croisé-dynamique qui clignote de toutes les couleurs.
C’est un calendrier en 36 dimensions qui lui dit (par exemple) début septembre qu’un mois plus tard, Air France va sortir sa promo « réservez en octobre vos billets à 99 € TTC pour voyager dans toute l’Europe de novembre à mars ». Du coup, Isa et lui préparent des offres spéciales packagées sur l’Europe pour l’hiver, et le jour où la promo sort en GDS, il dégaine les mailings. Bref, il an-ti-cipe.
Anticiper, c’est essentiel.
Je vais vous raconter comment Jeff (qui n’est pourtant pas le mec le plus idiot du monde) s’est retrouvé un jour sans travail alors qu’il ne s’y attendait pas. Et comment il a su rebondir immédiatement parce qu’il avait su réagir juste avant que ça ne soit trop tard.
Résumé des épisodes précédents : Jeff est depuis 9 ans guide-conférencier chez un tour-operator qui vend des voyages culturels chiants à des vieux. Toujours entre deux avions, Jeff n’a jamais pris le temps de se poser et encore moins de réfléchir à son possible besoin de reconversion. Comme il passe 11 mois sur 12 en accompagnement à l’étranger (et son mois de vacances à faire des fouilles archéologiques avec une petite pioche…), autant dire que la taille de son réseau professionnel est proche du zéro.
Un jour, Jeff se rend compte que depuis un an ou deux, son planning change sans arrêt car les groupes sont annulés les uns derrière les autres ; que quand ils partent, ça ne remplit pas un autocar en complet et que bref… ça commence à sentir le sapin...
Comme Jeff a un cerveau (et des yeux bleus ravissants, ce qui peut aider dans certaines circonstances…), il se débrouille pour faire ami-ami avec une assistante commerciale de sa boite et obtenir le fichier clients. Résultat : Jeff a sur une clé USB les coordonnées de milliers de personnes et leurs historiques de voyages. Il ne sait pas encore ce qu’il va en faire, mais il sait qu’il a une mine d’or sur 8 Mo.
Heureusement qu’il a ce trésor, parce que sa courte relation avec Pôle Emploi a été un échec total. Je ne sais pas si vous avez déjà rencontré un conseiller-placier du Pôle Emploi, mais franchement… je comprends pourquoi certains chercheurs d’emplois pètent les plombs.
Retour vers la vie de Jeff l’an dernier : Jeff tape donc son CV (37 ans, yeux bleus, célibataire, maîtrise d’histoire des religions, DEA d’études bibliques, doctorat d’anthropologie religieuse, 2 ans attaché d’enseignement et de recherche à la fac, publications dans diverses revues sur les religions, fouilles archéologiques, connaissances approfondies de 12 langues dont 8 qui ne se parlent plus, voyages dans 54 pays, membre de moult associations improbables) et fort de ce bagage intellectuel, il pousse la porte de Pôle emploi .
Il va donc s’entretenir avec une dame dans un micro-box. Jeff découvre un monde parallèle : il a tout juste donné son CV à la « conseillère » qu’elle s’indigne que « quelqu’un comme [lui] soit là », que Jeff « n’a pas besoin de Pôle Emploi, qu’avec un CV comme ça, c’est scandaleux qu[il n’ait] pas de travail », que Jeff doit « se remettre du dépôt de bilan de [sa] boite », qu’il ne doit pas « envisager une seule seconde de reprendre l’enseignement parce que ce gouvernement veut tuer le savoir », et qu’elle n’a « jamais vu quelqu’un avec autant de qualification, que [son] CV est vraiment impressionnant, est-ce que je peux le garder pour montrer à mes enfants que faire des études aussi longues, c’est possible ? ».
Alors oui, Jeff veut bien que son CV devienne une pièce de musée mais là, il a une question, une seule : il aimerait bien donner des cours d’histoire de l’art et d’histoire des religions en « activité d’appoint » mais il pense aussi que ses connaissances et ses nombreux voyages pourraient lui permettre de vendre des voyages culturels. Pour cela, il a « sans doute besoin d’une formation technique ».
Regard bovin de la conseillère : « ben mon pauvre Monsieur, c’est la crise. Du travail, y’en a pas et des stages ? ouh la la… on n’a plus beaucoup de crédit, mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous embêter, on ne se reverra pas avant six mois, et promis, je ne vous demanderai jamais des justificatifs de recherches ».
Jeff répond alors qu’il aimerait savoir comment il pourrait faire un stage de technique de vente, d’Amadeus… des trucs qui lui apporteraient les qualifications requises pour vendre des voyages. Perplexe, la dame ouvre une nouvelle fenêtre de son ordi « pfou, vous savez, ils nous ont encore tout changé, c’est des énarques qui nous pondent ça, c’est des gens dangereux. Ils feraient mieux de recruter de nouveaux conseillers, parce que de toute façon, on n’a pas de moyen, pas le temps d’aider les demandeurs d’emploi. Mais ne vous embêtez pas avec moi : vous êtes jeune, vous vous mettrez sur internet et vous trouverez l’info. »
Ce que la conseillère-placière de pôle emploi ne sait pas, c’est que Jeff est bien meilleur pour déchiffrer de l’araméen qu’internet… mais avant qu’il ne puisse lui opposer cette objection, madame a un éclair de génie. Jeff doit « postuler vers les agences internet. Parce que mon petit Monsieur… les gens, ils ne vont plus dans les agences, ils vont sur internet. Allez, je vous mets le tampon et on n’en parle plus ».
Jeff a donc compris qu’il ne pouvait rien attendre de Pôle Emploi. Mobilisation générale : Jeff a bien des qualités : outre une éducation parfaite et une instruction exhaustive, Jeff est un vrai gentil. Si j’étais mauvaise langue, je dirais qu’il est gentil comme un boy-scout. Alors, quand il a passé très exactement 4 coups de fil à d’anciens clients (des gens très bien qui avaient été guidés par Jeff lors de voyages pour vieux), tous les 4 l’ont reçu pour prendre un thé et lui ouvrir leurs carnets d’adresses.
L’un des couples, c’était les beaux-parents d’un chef d’entreprise dont la boite confie son budget voyages à l’agence. Le monsieur en question a passé un coup de fil à Big-Boss… qui ne refuse jamais un rendez-vous à personne, donc il a reçu Jeff. Et comme Big-Boss a un cerveau en parfait état de marche, il s’est dit qu’il y avait dans le potentiel de ce garçon (qui était suffisamment apprécié de ses anciens clients pour que ceux ci décrochent leur téléphone pour lui…) de quoi développer un nouveau créneau de clientèle.
Et voilà comment une petite agence de quartier se lance dans « le voyage à la rencontre de l’histoire des religions » en trois mois. Combien de Big-Boss laisseraient une chance à un profil aussi atypique que celui de Jeff ? à une personnalité à la fois brillante et attachante ?
J’ai certes passé du temps à former Jeff mais parler à un client de voyages, ça peut être inné, qu’on ait un BTS Tourisme ou un DEA d’histoire des religions… et pour savoir remplir un BI ou faire une résa sur Amadeus Air, quelques semaines d’observation suffisent pour qui a un peu de bon sens commun…
Jeff est à l’agence depuis près d’un an (Dieu que le temps passe vite…). Il a rempli tous ses groupes jusqu’en mars et il les accompagne tous. Ses vieux clients l’adorent. Je ne vous dirai pas à combien il marge ses groupes tellement c’est impressionnant ! En ce moment, il bosse sur son planning de 2012/2013 pour mettre à la vente ses départs garantis au delà d’avril. Il a déjà des espèces de pré-réservations pour des gens qui ne veulent surtout pas manquer tel ou tel événement à chaque coin du monde. (ai-je besoin de vous préciser que ce type de client ne réclame pas de réduction ou de geste commercial ?)
Bref, il a su développer un vrai créneau à l’agence, juste parce que quand il parle, tout le monde d’arrête de respirer pour ne pas rater un mot de ses explications.
Moi, je dis Bravo ! à Jeff d ‘être aussi brillant, à Big-Boss d’être assez ouvert pour embaucher ce genre de profil, et à l’idiote du pôle emploi pour ne pas lui avoir trouvé de solution moisie pour trouver un boulot où il aurait de route façon été moins heureux…
Chez Big-Boss voyages, c’est assez rare qu’on n’ait pas grand monde, parce qu’on est généralistes. Certes, la base de notre clientèle, c’est surtout le « tourisme sur mesure » mais on ne fait pas que ça : Max et Sonia s’occupent de la billetterie des PME en compte, et Isa a toujours géré une bonne dizaine de groupes par an… Et quand un secteur souffre, Big-Boss s’acharne sur les autres. Bref, le syndrome des vases communicants…
En fait, Big-Boss s’occupe surtout de nous trouver du travail. Je m’explique : il est toujours sur le terrain à aller draguer les entreprises, les CE, les copains des relations de ses clients…
Quand il est à l’agence (et ça n’est pas souvent…), c’est surtout pour triturer la base CRM et nous pondre des mailings. Sur son PC, il a un tableau excel croisé-dynamique qui clignote de toutes les couleurs.
C’est un calendrier en 36 dimensions qui lui dit (par exemple) début septembre qu’un mois plus tard, Air France va sortir sa promo « réservez en octobre vos billets à 99 € TTC pour voyager dans toute l’Europe de novembre à mars ». Du coup, Isa et lui préparent des offres spéciales packagées sur l’Europe pour l’hiver, et le jour où la promo sort en GDS, il dégaine les mailings. Bref, il an-ti-cipe.
Anticiper, c’est essentiel.
Je vais vous raconter comment Jeff (qui n’est pourtant pas le mec le plus idiot du monde) s’est retrouvé un jour sans travail alors qu’il ne s’y attendait pas. Et comment il a su rebondir immédiatement parce qu’il avait su réagir juste avant que ça ne soit trop tard.
Résumé des épisodes précédents : Jeff est depuis 9 ans guide-conférencier chez un tour-operator qui vend des voyages culturels chiants à des vieux. Toujours entre deux avions, Jeff n’a jamais pris le temps de se poser et encore moins de réfléchir à son possible besoin de reconversion. Comme il passe 11 mois sur 12 en accompagnement à l’étranger (et son mois de vacances à faire des fouilles archéologiques avec une petite pioche…), autant dire que la taille de son réseau professionnel est proche du zéro.
Un jour, Jeff se rend compte que depuis un an ou deux, son planning change sans arrêt car les groupes sont annulés les uns derrière les autres ; que quand ils partent, ça ne remplit pas un autocar en complet et que bref… ça commence à sentir le sapin...
Comme Jeff a un cerveau (et des yeux bleus ravissants, ce qui peut aider dans certaines circonstances…), il se débrouille pour faire ami-ami avec une assistante commerciale de sa boite et obtenir le fichier clients. Résultat : Jeff a sur une clé USB les coordonnées de milliers de personnes et leurs historiques de voyages. Il ne sait pas encore ce qu’il va en faire, mais il sait qu’il a une mine d’or sur 8 Mo.
Heureusement qu’il a ce trésor, parce que sa courte relation avec Pôle Emploi a été un échec total. Je ne sais pas si vous avez déjà rencontré un conseiller-placier du Pôle Emploi, mais franchement… je comprends pourquoi certains chercheurs d’emplois pètent les plombs.
Retour vers la vie de Jeff l’an dernier : Jeff tape donc son CV (37 ans, yeux bleus, célibataire, maîtrise d’histoire des religions, DEA d’études bibliques, doctorat d’anthropologie religieuse, 2 ans attaché d’enseignement et de recherche à la fac, publications dans diverses revues sur les religions, fouilles archéologiques, connaissances approfondies de 12 langues dont 8 qui ne se parlent plus, voyages dans 54 pays, membre de moult associations improbables) et fort de ce bagage intellectuel, il pousse la porte de Pôle emploi .
Il va donc s’entretenir avec une dame dans un micro-box. Jeff découvre un monde parallèle : il a tout juste donné son CV à la « conseillère » qu’elle s’indigne que « quelqu’un comme [lui] soit là », que Jeff « n’a pas besoin de Pôle Emploi, qu’avec un CV comme ça, c’est scandaleux qu[il n’ait] pas de travail », que Jeff doit « se remettre du dépôt de bilan de [sa] boite », qu’il ne doit pas « envisager une seule seconde de reprendre l’enseignement parce que ce gouvernement veut tuer le savoir », et qu’elle n’a « jamais vu quelqu’un avec autant de qualification, que [son] CV est vraiment impressionnant, est-ce que je peux le garder pour montrer à mes enfants que faire des études aussi longues, c’est possible ? ».
Alors oui, Jeff veut bien que son CV devienne une pièce de musée mais là, il a une question, une seule : il aimerait bien donner des cours d’histoire de l’art et d’histoire des religions en « activité d’appoint » mais il pense aussi que ses connaissances et ses nombreux voyages pourraient lui permettre de vendre des voyages culturels. Pour cela, il a « sans doute besoin d’une formation technique ».
Regard bovin de la conseillère : « ben mon pauvre Monsieur, c’est la crise. Du travail, y’en a pas et des stages ? ouh la la… on n’a plus beaucoup de crédit, mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous embêter, on ne se reverra pas avant six mois, et promis, je ne vous demanderai jamais des justificatifs de recherches ».
Jeff répond alors qu’il aimerait savoir comment il pourrait faire un stage de technique de vente, d’Amadeus… des trucs qui lui apporteraient les qualifications requises pour vendre des voyages. Perplexe, la dame ouvre une nouvelle fenêtre de son ordi « pfou, vous savez, ils nous ont encore tout changé, c’est des énarques qui nous pondent ça, c’est des gens dangereux. Ils feraient mieux de recruter de nouveaux conseillers, parce que de toute façon, on n’a pas de moyen, pas le temps d’aider les demandeurs d’emploi. Mais ne vous embêtez pas avec moi : vous êtes jeune, vous vous mettrez sur internet et vous trouverez l’info. »
Ce que la conseillère-placière de pôle emploi ne sait pas, c’est que Jeff est bien meilleur pour déchiffrer de l’araméen qu’internet… mais avant qu’il ne puisse lui opposer cette objection, madame a un éclair de génie. Jeff doit « postuler vers les agences internet. Parce que mon petit Monsieur… les gens, ils ne vont plus dans les agences, ils vont sur internet. Allez, je vous mets le tampon et on n’en parle plus ».
Jeff a donc compris qu’il ne pouvait rien attendre de Pôle Emploi. Mobilisation générale : Jeff a bien des qualités : outre une éducation parfaite et une instruction exhaustive, Jeff est un vrai gentil. Si j’étais mauvaise langue, je dirais qu’il est gentil comme un boy-scout. Alors, quand il a passé très exactement 4 coups de fil à d’anciens clients (des gens très bien qui avaient été guidés par Jeff lors de voyages pour vieux), tous les 4 l’ont reçu pour prendre un thé et lui ouvrir leurs carnets d’adresses.
L’un des couples, c’était les beaux-parents d’un chef d’entreprise dont la boite confie son budget voyages à l’agence. Le monsieur en question a passé un coup de fil à Big-Boss… qui ne refuse jamais un rendez-vous à personne, donc il a reçu Jeff. Et comme Big-Boss a un cerveau en parfait état de marche, il s’est dit qu’il y avait dans le potentiel de ce garçon (qui était suffisamment apprécié de ses anciens clients pour que ceux ci décrochent leur téléphone pour lui…) de quoi développer un nouveau créneau de clientèle.
Et voilà comment une petite agence de quartier se lance dans « le voyage à la rencontre de l’histoire des religions » en trois mois. Combien de Big-Boss laisseraient une chance à un profil aussi atypique que celui de Jeff ? à une personnalité à la fois brillante et attachante ?
J’ai certes passé du temps à former Jeff mais parler à un client de voyages, ça peut être inné, qu’on ait un BTS Tourisme ou un DEA d’histoire des religions… et pour savoir remplir un BI ou faire une résa sur Amadeus Air, quelques semaines d’observation suffisent pour qui a un peu de bon sens commun…
Jeff est à l’agence depuis près d’un an (Dieu que le temps passe vite…). Il a rempli tous ses groupes jusqu’en mars et il les accompagne tous. Ses vieux clients l’adorent. Je ne vous dirai pas à combien il marge ses groupes tellement c’est impressionnant ! En ce moment, il bosse sur son planning de 2012/2013 pour mettre à la vente ses départs garantis au delà d’avril. Il a déjà des espèces de pré-réservations pour des gens qui ne veulent surtout pas manquer tel ou tel événement à chaque coin du monde. (ai-je besoin de vous préciser que ce type de client ne réclame pas de réduction ou de geste commercial ?)
Bref, il a su développer un vrai créneau à l’agence, juste parce que quand il parle, tout le monde d’arrête de respirer pour ne pas rater un mot de ses explications.
Moi, je dis Bravo ! à Jeff d ‘être aussi brillant, à Big-Boss d’être assez ouvert pour embaucher ce genre de profil, et à l’idiote du pôle emploi pour ne pas lui avoir trouvé de solution moisie pour trouver un boulot où il aurait de route façon été moins heureux…
J'ai trouvé votre blog complètement par hasard,
RépondreSupprimeret j'ai tout lu d'un bloc !
Enorme, merci pour tous ces détails croustillants,
je travaille dans la com et le marketing, et constate que chaque secteur a ses aberrations
Bonne continuation.