Léa n’est pas seule dans sa life. Il y a les copines, Isa’, Big-Boss, les clients… Et puis il y a les confrères ! les autres agents de voyages. Sur ma page FaceBook, j’ai aujourd’hui 539 amis. Et puis hier, un mystérieux « Léon le patron » m’a envoyé un message. Une espèce de déclaration d’amour à nous, les vendeuses du comptoir. Vous savez ? Les 12000 Léa de France. Et quand je lis ce qu’écrit Léon, je me dis que y’a pas que Big-Boss qui est un patron sympa. C’est avec plaisir que je donne la parole à Léon. Il peut revenir squatter mon blog quand il veut ! Léon n'est pas mon boss à moi... et je ne dirai pas qui c'est...
Tout à commencé avec l’arrivée de la grande distribution, il y a une vingtaine année. Des épiciers qui osent marcher sur nos plates-bandes, quel scandale… Après moult tergiversations, et surtout devant l’implacable volonté des géants de la distribution, nous avons pris l’option de les faire entrer dans le club autrefois très fermé des voyagistes. Ils sont maintenant à nos cotés, adhérents du SNAV, de l’APS, et autres organismes représentant (avec plus ou moins de bonheur) notre corporation.
Dix ans après… voilà-t’y-pas que hop, des geeks boutonneux du fin fond de leur garage prétendent pousser la porte des salons des clients-voyageurs pour qu’en quelques clics de mulot, ils puissent réserver un hôtel à l’autre bout du monde. Forcément, ça fait mal, très mal même, à nos jolies boutiques du coin de la rue.
Fort de nos compétences et de notre savoir-faire (la fameuse « valeur ajoutée » servie à toutes les sauces, tellement galvaudée que l’on a oublié qu’il ne s’agit que d’un terme comptable), nous avons gardé la tête haute et combattu dignement, pour finalement nous y mettre aussi, à internet , en inventant le « multi-canal », du « clic and mortar » qui tatonne entre l’agence on-line concurrente de son propre réseau et de l’Expedia en marque (à peine) blanche. Le résultat n’est pas brillant, les « pure players » caracolent en tête des ventes sur internet, mais nous sommes toujours là, avec nos affichettes promos en vitrine et quelques cheveux blancs en plus… Finalement les TO tirent mieux leur épingle du jeu que nous, en court-circuitant nos réseaux sous nos regards impuissants.
Certains y ont vu le coup de grâce quand les compagnies aériennes, ces bâtards nos amis d’Air France en tête, ont décidé unilatéralement de ne plus commissionner les agences. Super, les deux tiers de notre volume ne seront plus rémunérés ! C’est le moment de la faire briller notre valeur ajoutée, de la faire reluire même, il va falloir la servir dorée sur tranche, parce que les clients, eux, savent maintenant ce que l’on gagne quand on leur vend un billet.
Encore quelques croche-pieds comme les coffrets cadeaux chez les libraires, une bonne crise économique, des commandes parties en fumée au dessus d’un volcan, des émeutes en Thaïlande… pourquoi pas une tempête de neige à l’Ile Maurice !? On pourrait croire que le sort s’acharne sur notre pauvre profession. Mais quand avons-nous fauté ? Quel péché originel avons-nous commis pour que le plus beau métier du monde soit la victime permanente des éléments. Noé, reviens, notre espèce est en péril …
Mais non, Noé n’est pas là pour nous. Heureusement il y avait, et il a encore, plus que jamais, Léa.
Et oui, chers confrères patrons d’agences, Léa n’est pas qu’une charge fixe à amortir par une marge brute peau de chagrin. C’est elle, (elle seule ?), qui fait revenir nos clients, qui les fait rêver le plus souvent, fantasmer même parfois… C’est elle la « valeur ajoutée » de nos boutiques, celle qui justifie que nos billets soient 20 euros plus cher que sur le site d’Air France, celle qui sait expliquer à un client sans s’énerver qu’il ne sera pas possible de faire 50 % de remise parce qu’ils sont voisins, qui sait parler pendant une demi-heure d’un pays qu’elle n’a jamais visité, mais ça elle en parle mieux que moi… C’est aussi elle qui parfois nous motive à venir tout de même au bureau quand tout va mal, parce que nous voulons qu’elle continue à sourire en prenant son air faussement cruche quand nous lui demandons de s’occuper de Monsieur Martin et ses 450 chèques vacances de 5 euros, et qu’elle est la seule à nous complimenter sur la nouvelle horrible cravate récemment offerte par notre belle mère.
Certes, Léa est un trouble fête. Nous avions l’habitude de nous auto-congratuler dans les colonnes de la presse professionnelle et en sirotant un long drink dans les carrés VIP des soirées deauvillaises. A l’occasion, la parole était donnée sur les 12 lignes d’un encart de 3 cm sur 8 à un agent qui témoigne sur un sujet d’actualité. Tiens, ils pensent aussi…
Et voilà qu’une petite agent de comptoir (pouah que le terme est vilain, il est temps d‘oublier les années 50…) vient séduire les journalistes et compte certainement plus de fans qu’il n’y a d’abonnés à la newsletter du SNAV. Après la grande distrib’, internet, la commission zéro, et autres réformes de la loi de 92, merci Léa, qui a de quoi décoiffer les quelques cheveux qui nous restent.
Léon le Patron.